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Société, Mairies

Crèche de Noël : le FN invoque à tort la «jurisprudence»

Le tribunal administratif de Lille a jugé illégale l'installation d'une crèche de Noël dans la mairie d'Hénin-Beaumont en décembre 2015. Le FN dénonce une «violation» de la jurisprudence du Conseil d'Etat, alors que celui-ci n'a pour l'heure autorisé aucune crèche.

Steeve Briois, au conseil municipal d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le 30 mars 2014. Photo Aimee Thirion. Libération
Publié le 02/12/2016 à 10h29

La ville d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), dirigée par le Front national, a été condamnée jeudi par le tribunal administratif de Lille pour l'installation d'une crèche de Noël en décembre 2015 dans le hall de la mairie. L'élu municipal d'opposition communiste David Noël avait saisi le tribunal dès le 3 décembre 2015, mais l'affaire n'a été examinée qu'après la décision du Conseil d'Etat sur cette thématique, le 9 novembre. Il s'agit de la première décision de justice prise depuis cette date.

Pour le juge lillois, les conditions pour qu'une crèche de Noël dans un bâtiment public soit légale n'étaient pas respectées à Hénin-Beaumont, où l'installation «a méconnu le principe de neutralité des personnes publiques». «Il ne ressort pas des pièces du dossier que ladite crèche, composée de sujets sans valeur historique ou artistique particulière, ait revêtu le caractère d'une exposition d'œuvres d'art», est-il expliqué. En outre, «il n'est pas établi que cette installation s'enracine dans une tradition locale préexistante ou qu'elle puisse être considérée comme une extension du marché de Noël qui se tient à l'extérieur du bâtiment et sans proximité immédiate avec celui-ci», estime-t-il, s'appuyant sur les décisions du Conseil d'Etat.

Rappelons que la plus haute juridiction administrative avait jugé que «dans les bâtiments publics, sièges d'une collectivité publique ou d'un service public, une crèche de Noël ne peut pas être installée, sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif».

Le FN se donne raison en détournant la décision du Conseil d'Etat

Pourtant, le maire de la ville, Steeve Briois, a aussitôt dénoncé dans un communiqué une «violation de la jurisprudence du Conseil d'Etat», tout comme le vice-président du FN, Florian Philippot, qui s'est fendu d'un tweet. Or, si «jurisprudence» il y a, celle-ci se résume à... pas grand-chose. Car le Conseil d'Etat est loin d'avoir donné raison aux élus dans les deux dossiers sur lesquels il s'est prononcé au début du mois. Ainsi, il a jugé illégale la crèche installée à Melun car elle «ne résultait d'aucun usage local» et «aucun élément ne marqu[ait] l'installation de la crèche dans un environnement artistique, culturel ou festif». Quant à celle du conseil général de Vendée, il a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Nantes, lui demandant de se prononcer à nouveau en fonction des critères qu'il venait d'établir.

Autrement dit, pour l'heure, le Conseil d'Etat n'a autorisé aucune installation de crèche dans un bâtiment public. Ce qui n'empêche pas Steeve Briois d'en rajouter une couche sur le site de la mairie d'Hénin-Beaumont en écrivant que «la crèche ne matérialise évidemment aucune volonté de discrimination religieuse, comme l'a relevé le Conseil d'Etat lors du jugement de plusieurs affaires similaires.» Or, là encore, dans sa décision, le Conseil d'Etat n'émet aucun avis général sur le fait qu'une crèche «matérialise» (ou non) une «volonté de discrimination religieuse». Il exige en revanche qu'une crèche installée dans un bâtiment public ne manifeste «aucune préférence religieuse».

La réaction empressée du FN à faire comme si le Conseil d'Etat avait autorisé les crèches de Noël dans les mairies souligne toutefois que sa décision, qui tentait de ménager le chèvre et le chou avec une «interprétation ouverte et équilbrée de la loi de 1905», prend le risque du manque de clarté. Certains ont pu la prendre comme une interdiction globale mais tolérant quelques exceptions ; le FN, comme d'autres, a décidé d'y voir une autorisation générale.