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Islam, Mairies

Poursuivi pour discrimination, le maire FN de Beaucaire relaxé

Poursuivi pour discrimination par six «épiciers arabes», le maire FN de Beaucaire (Gard) vient d’être relaxé.
Julien Sanchez (au centre), maire de Beaucaire. Photo Denis Allard. Libération
publié le 15 décembre 2016 à 18h42

Ils étaient venus en nombre au Tribunal correctionnel de Nîmes pour soutenir Julien Sanchez, le maire FN de Beaucaire. Dès l'annonce de sa relaxe, aux portes de la salle d'audience, ils se sont même autorisés à l'applaudir. «C'est indécent, ça», commentait une dame en assistant à la scène.

Julien Sanchez était poursuivi par six commerçants de Beaucaire pour «entrave à l'exercice d'une activité économique en raison de l'origine, l'ethnie, ou de la nationalité». Chacun lui demandait 6 000 € de dommages et intérêts. Mais sa relaxe met un point final à ce dossier.

L'affaire débute en juin 2015 : la veille du Ramadan, le maire prend deux arrêtés imposant, en période estivale, la fermeture à 23 heures des commerces situés dans un petit périmètre du centre-ville réunissant une trentaine de boutiques. S'estimant particulièrement visés par ces arrêtés, six gérants de snacks ou d'épiceries de nuit déposent plainte. «Mes clients étaient les seuls à fermer tard dans la zone concernée. C'étaient donc ces commerçants, tous d'origine maghrébine et de confession musulmane, qui étaient visés», estime leur avocate, Me Khadija Aoudia. Julien Sanchez affirme quant à lui que «les gens se plaignaient du bruit, ils déposaient en mairie courriers et doléances». Le maire a même mis en ligne, sur le site internet de sa ville, une petite vidéo «pédagogique» de 5 minutes dans laquelle il explique, en arpentant les rues du quartier incriminé, qu'il est «poursuivi pour islamophobie». Il y évoque les clients de ces commerces «habitués à beugler jusqu'à une heure ou parfois deux heures du matin». Car «se saouler, fumer toutes sortes de substances […] c'est plus important que tout pour eux». En résumé, «le voisinage, ces gens s'en contrefoutent».

Aujourd'hui, le maire avertit : dans le Sud, les gens ont le sang chaud et sa ville n'est pas l'abri d'un nouveau dérapage. «Car en août dernier, un riverain excédé par le bruit a tiré en direction de deux jeunes, raconte Julien Sanchez. Suite à cet incident, j'ai pris de nouveaux arrêtés exigeant la fermeture des commerces dès 22h30 en période estivale. Si rien n'est fait, des gens vont péter les plombs et de tels dérapages vont se reproduire.» D'ailleurs, ajoute le maire, son action a réuni près de 4 000 signatures de soutien.

Du côté des commerçants, la thèse des nuisances est battue en brèche : «Une enquête complémentaire a été menée par la police nationale à la demande du tribunal, en mars dernier. Elle cherchait à savoir si les arrêtés municipaux avaient été motivés par une recrudescence de troubles à l'ordre public, détaille Me Aoudia. Or l'enquête a prouvé qu'il n'y avait eu aucune recrudescence. Les infractions étaient même moins nombreuses que l'année précédente. Si le fondement des arrêtés est inexact, il faut donc chercher leur vraie motivation ailleurs.» Car au-delà de la «tranquillité publique» brandie telle une bannière par Julien Sanchez, se profilent d'autres thèses : «Les six commerçants qui se présentent comme musulmans et invoquent une discrimination religieuse sont soutenus par le Conseil Français du Culte musulman et l'Observatoire de l'Islamophobie», affirme le maire. «Aucun de ces deux organismes ne s'est constitué partie civile, ou n'est partie prenante dans ce dossier, répond Me Aoudia. Le seul fait réel, c'est que Abdallah Zekri, président de l'Observatoire de l'Islamophobie, était présent le jour de l'audience puisque justement, son rôle est d'observer et de s'intéresser à ce type de dossiers.»

Dans leur délibéré, les juges ont estimé que « les éléments constitutifs du délit n’étaient pas réunis ». Il a notamment été relevé que dans le périmètre ciblé par le maire, deux commerces étaient tenus par des Equatoriens – donc ni maghrébins, ni musulmans. Le caractère ciblé et discriminant des arrêtés municipaux n’est ainsi pas démontré. CQFD.

Après l’énoncé du délibéré, dans la salle des pas perdus, tandis que les journalistes tendent encore leurs micros vers le maire et les avocats, une violente bagarre éclate soudain entre une dizaine de Gitans. Les insultes fusent, une béquille vole, les coups pleuvent. Quelques minutes plus tard, réuni devant le Palais de Justice, le camp de Julien Sanchez jubile. A la victoire obtenue devant les juges, voilà une illustration inattendue mais fort bienvenue d’un discours prônant la tranquillité publique.