«Si un jour il y a une affaire Bygmalion au sein du FN, elle surviendra du côté de Frédéric Chatillon et de son business avec le Front», soupirait en 2014 un cadre frontiste interrogé par Libération. C'était bien vu : trois ans plus tard, les procédures s'accumulent autour de cet ami personnel de Marine Le Pen et de la logistique des dernières campagnes frontistes, dont il fut l'un des principaux acteurs. Comme l'a révélé le Monde samedi, Chatillon s'est vu signifier le 15 février sa mise en examen dans le cadre d'une information judiciaire ouverte en novembre 2015 par le parquet de Paris. Sont visés des faits supposés d'escroqueries et d'abus de biens sociaux lors d'une série de scrutins tenus en 2014 et 2015 - municipales, européennes, sénatoriales et départementales. Cette mise en examen s'ajoute au renvoi en correctionnelle de Chatillon et de neuf autres personnes physiques et morales en octobre 2016 pour des soupçons similaires portant sur les législatives de 2012.
Au centre de ce dossier, connu comme l'«affaire Jeanne» : un possible système de financement frauduleux des campagnes FN impliquant le microparti Jeanne, dirigé par des proches de Marine Le Pen, et la société de communication Riwal, fondée par Frédéric Chatillon. Une lumière crue est ainsi jetée sur les petits secrets du «système Le Pen» et son sulfureux protagoniste, plus visible que jamais dans la campagne frontiste (lire Libération du 24 février). Bien que présenté régulièrement comme un simple prestataire, Chatillon est avant tout une vieille connaissance de la présidente frontiste, qu'il a rencontré durant leurs années étudiantes. Après avoir présidé le GUD, un mouvement de jeunesse à l'esthétique néofascisante, l'homme se lance dans les affaires durant les années 90, fondant Riwal. Les liens entre l'entreprise et le FN se renforcent à mesure que Marine Le Pen monte dans le parti, au fil des années 2000. Et Frédéric Chatillon n'est pas seul : autour de lui, un petit groupe de proches, souvent issus eux aussi du GUD, entrent en affaire avec le parti lepéniste. Ce commando mariniste évince parfois d'anciens prestataires du FN, tels que le riche imprimeur Fernand Le Rachinel.
Devenue présidente du FN en 2011, Marine Le Pen dispose ainsi d’un réseau de prestataires totalement dévoués à sa cause. C’est avec eux qu’elle mettra au point le système Jeanne, visant à la fois à standardiser la communication du FN et à soutenir les finances toujours fragiles du parti, en jouant notamment sur les importants crédits-fournisseurs accordés au FN par Riwal. Un système sophistiqué qui, depuis cinq ans, a accompagné et soutenu la croissance électorale du parti. Jusqu’à quand ?