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Qui est François Asselineau, candidat inattendu à la présidentielle ?

Muni de ses 500 signatures, il défendra un discours ultrasouverainiste, marqué aussi par ses tendances complotistes.
Conférence de presse de François Asselineau, à Paris, le 10 mars. (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 10 mars 2017 à 12h29

Vous le connaissez peut-être sans l’avoir rencontré, car les affiches de son mouvement tapissent les villes et les campagnes. Officiellement doté de 524 parrainages d’élus depuis vendredi, François Asselineau participera pour la première fois à l’élection présidentielle. Il y fera sans doute office de seul véritable «candidat surprise». Président de l’Union populaire républicaine (UPR), Asselineau occupera un créneau souverainiste déjà visé par Nicolas Dupont-Aignan et, surtout, Marine Le Pen. Mais ce n’est pas la seule chose à savoir du haut fonctionnaire qui «monte malgré le silence des médias», et dont le mouvement est aussi connu pour ses tendances complotistes.

Il est énarque

Peu connu du grand public, le candidat Asselineau, 59 ans, est cependant familier des affaires publiques. Diplômé de HEC et de l’ENA, dont il sort inspecteur des finances, ce haut fonctionnaire poursuit sa carrière dans plusieurs ministères de droite au cours des années 90. Au début des années 2000, le voilà directeur de cabinet de Charles Pasqua, alors président du conseil général des Hauts-de-Seine. Il entame en parallèle son parcours politique dans les milieux souverainistes de droite, rejoignant en 1999 le Rassemblement pour la France de Pasqua et Philippe de Villiers. Un engagement politique auquel il se dédie à temps plein après sa dernière expérience dans l’administration – un poste de «délégué général à l’intelligence économique» au ministère de l’Economie et des Finances, entre 2004 et 2006.

C’est l’année suivante qu’Asselineau fonde l’UPR, qui regroupe bientôt des effectifs modestes (16 800 membres revendiqués à ce jour), mais motivés et prosélytes. Sa participation à la présidentielle couronne une trajectoire jusqu’ici obscure et semée de scores de poche : 0,6% des voix pour le président de l’UPR lors d’une législative partielle en 2013, dans l’ex-circonscription de Jérôme Cahuzac ; même résultat au niveau national lors des européennes de 2014, avec un total de 77 000 voix ; score toujours faible, mais tout de même supérieur à l’occasion des régionales de 2015, où le parti recueille 0,9% des voix au niveau national, soit 190 000 bulletins environ.

Il trouve le FN trop mesuré sur les questions de souveraineté

La promesse fondamentale d'Asselineau est le retour de la France à une totale souveraineté, impliquant notamment une sortie de l'euro, de l'Union européenne et de l'Otan. Contrairement au Front national, qui évoque désormais un processus «négocié», Asselineau prône, dans son programme de 2012, une sortie «unilatérale» de l'UE et de la monnaie unique. Comme le parti de Marine Le Pen, l'UPR veut aussi renforcer le recours au référendum ou encore le rôle de l'Etat dans l'économie – de manière encore plus franche que le FN, prônant notamment le contrôle des flux de capitaux ou la nationalisation de plusieurs grands groupes, tels qu'EDF, GDF ou les sociétés autoroutières.

Malgré ces convergences, Asselineau ne ménage pas ses cartouches contre le parti lepéniste, qualifié de «leurre» ou encore de «roue de secours» du système actuel. «En associant dans l'esprit des Français la remise en cause de l'Union européenne à des dérapages odieux, typiques de l'extrême droite, […] le FN conforte l'oligarchie qui, depuis Bruxelles et Francfort, tient le peuple français sous sa férule», jugeait ainsi un communiqué du parti en 2014. L'UPR se targue quant à elle de «refuser la stigmatisation insidieuse des Français d'origine arabe ou de confession musulmane» ou encore de «remettre à sa juste place très faible sinon nulle la menace alléguée du «terrorisme jihadiste». En matière d'immigration, le programme du parti ne mentionne qu'un vague référendum, sans en préciser le but exact.

Il en veut aux médias

«Le parti qui monte malgré le silence des médias» : ce slogan figure sur les nombreuses affiches de l'UPR visibles sur les murs de nos villes, en bord de route et même en zones rurales. Il est vrai que l'UPR, parti confidentiel, n'a jusqu'à présent guère attiré l'attention des journalistes. Pour les sympathisants d'Asselineau, c'est la marque d'une cabale qu'il s'agit de compenser par une suractivité militante, dans les rues mais surtout sur Internet, où sont régulièrement diffusées les conférences du président de l'UPR. Sur la Toile, les petites mains du mouvement répercutent sans relâche la parole de leur champion et sollicitent avec insistance les journalistes pour qu'ils s'y intéressent.

Une stratégie qui paye parfois : en 2014, Asselineau connaît ainsi un premier moment de gloire médiatique, invité dans la populaire émission On n'est pas couché de Laurent Ruquier. «Cela fait à peu près un an que sur Internet, Facebook, Twitter, je reçois ces messages : "Mais pourquoi vous n'invitez pas François Asselineau ?", explique alors l'animateur. Cela dure depuis des mois et des mois !» Et Ruquier n'est pas au bout de ses surprises : quand Asselineau arrive sur le plateau, une ovation salue le président de l'UPR. «Petit parti, mais d'une efficacité redoutable !, poursuit Ruquier. Si j'en juge par les quelques copains qui sont dans le public, vous avez vos réseaux.»

Peut-être parce qu'il s'estime maltraité dans les médias, c'est une sorte de reprise en main que propose l'UPR dans son programme. Il veut notamment, par des moyens mystérieux, «assurer une diversité politique représentative des différents courants d'opinion parmi les journalistes présentateurs d'émissions d'information». Ou encore renationaliser TF1 «afin d'assurer la démocratie et l'élévation de la culture générale des Français». Preuve toutefois que l'on peut aussi se passer de la presse : le candidat n'a pas donné suite aux sollicitations de Libération, son entourage s'indignant d'avoir été contacté par le journaliste aussi chargé du suivi du Front national.

Son discours est teinté de complotisme

Avec François Asselineau, c'est aussi la théorie du complot qui s'invite dans la campagne présidentielle. Si l'UPR rejette explicitement la théorie du «choc des civilisations», elle n'est pas loin de voir la main de la CIA derrière tous les malheurs de la France. Le site officiel du mouvement regorge de longues analyses se voulant factuelles, mais menant irrésistiblement vers une lecture conspirationniste de l'histoire, dont les ficelles remonteraient jusqu'aux services américains. Un article consacré aux significations secrètes des logos politiques nous apprend par exemple que les trois étoiles figurant sur le logo d'EE-LV symbolisent «le retour de la "souveraineté céleste", c'est-à-dire un idéal qui doit s'imposer à la volonté du peuple». La couleur orange du Modem, elle, aurait «été choisie dans la foulée des «révolutions de couleur» fomentées par les Etats-Unis dans plusieurs des républiques de l'ex-URSS». Quant au logo de l'UMP, «ses couleurs et sa tonalité sont typiquement celles d'un organisme états-unien».

«Le fond du discours UPR, c’est l’anti-américanisme, confirme Rudy Reichstadt, animateur du site spécialisé Conspiracy Watch. Lors de l’une de ses universités d’été, le parti avait convié plusieurs figures de la complosphère, comme le bras droit de Thierry Meyssan, Alain Benajam. En revanche, contrairement à un Alain Soral, Asselineau ne s’aventure jamais sur le terrain de l’antisémitisme, même si certains de ses anciens proches ont ensuite dérivé dans cette direction. La force de l’UPR, c’est d’avoir compris quel formidable levier représente Internet, pour diffuser un discours en phase avec les préoccupations et l’imaginaire complotiste contemporain». Selon le site d’information StreetPress, cette image préoccupe assez la direction de l’UPR pour que celle-ci ait fait passer à ses troupes, fin 2015, la consigne de «nettoyer immédiatement toutes [leurs] pages Facebook ou Twitter». Un ripolinage qui s’impose plus que jamais avec la candidature présidentielle de François Asselineau.