Lundi en meeting, la candidate du FN a proposé un «moratoire sur l'immigration légale» qui ne figurait pas au programme, l'objectif frontiste étant jusque-là d'atteindre un solde migratoire positif de 10 000 entrées par an. Invitée sur le plateau de RTL ce mardi, Marine Le Pen a poursuivi dans la nouveauté en expliquant qu'arrivée au pouvoir, elle «rappellerait les réservistes» pour rétablir les frontières. Or, si dans son programme elle prévoyait bien de restaurer les frontières nationales, elle s'engageait alors à «reconstituer les effectifs supprimés dans les douanes par le recrutement de 6 000 agents durant le quinquennat». De réservistes donc, il n'était pas question. Alors de qui parle-t-elle ? Pour l'instant, c'est assez flou.
Mobilisables 60 jours par an
Les membres de la réserve opérationnelle ont pour mission d'apporter un renfort temporaire aux forces armées (armée, gendarmerie ou police), si nécessaire. Mobilisables 60 jours par an maximum et engagés pour une période d'un à cinq ans, ils peuvent notamment être appelés pour aider à la protection du territoire national (en surveillant une base navale par exemple), participer à des opérations extérieures, «au service quotidien des unités» comme les patrouilles de surveillance ou la lutte contre la délinquance, «secourir des populations sinistrées lors de catastrophes naturelles», ou «donner une expertise dans des domaines où l'armée connaît des besoins ponctuels», liste le gouvernement. Pour en être, c'est assez simple : il suffit d'avoir plus de 17 ans, la nationalité française et être «apte médicalement». La réserve est donc composée de simples citoyens – Marion Maréchal-Le Pen avait d'ailleurs annoncé vouloir l'intégrer après l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray – mais aussi d'anciens militaires volontaires.
Face à la menace qui pèse sur la France, j'ai décidé de rejoindre la réserve militaire.
— Marion Maréchal (@MarionMarechal) July 26, 2016
J'invite tous les jeunes patriotes à faire de même.
Avant d'être affectés à des missions, les réservistes reçoivent «un entraînement spécifique», qui va jusqu'au maniement des armes, qu'ils sont habilités à porter. Appelés en renfort, ils perçoivent un solde (environ 80 euros la journée).
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Un vivier en train de gonfler
Aujourd'hui composée de 65 000 personnes, la réserve opérationnelle devrait atteindre un effectif de 85 000 membres en 2018, conformément au souhait du gouvernement actuel, exprimé après les attentats. En octobre 2016, la création d'une garde nationale, qui réunit les réserves des armées, de la gendarmerie et de la police, a par ailleurs été annoncée. Si ce vivier de volontaires est donc bien en train de gonfler, il sert aujourd'hui surtout à «soulager les effectifs de policiers et de gendarmes» fortement sollicités, comme l'avait expliqué François Hollande le 15 juillet. Leur confier une mission supplémentaire pourrait donc s'avérer délicat. «Ça ne me parait pas du tout réaliste», estime Elie Tenenbaum, coordinateur du Laboratoire de recherche sur la défense à l'Ifri. Car s'il y a des volontaires, encore faut-il qu'ils soient disponibles. En effet, la loi oblige les employeurs à libérer leurs salariés-réservistes cinq jours par an, pas plus. Au-delà, il faut une autorisation que tous les patrons ne sont pas enclins à donner. Du côté du réserviste lui-même, «il y a un engagement moral mais on ne peut pas obliger à servir, explique Elie Tenenbaum. A moins que le FN, au pouvoir, ne mette une pression plus forte…»
En 2016, il y avait en moyenne 2 600 réservistes (hors gendarmerie) mobilisés chaque jour, indique-t-il. En trouver 6 000 de plus (si on en croit le nombre de douaniers que Marine Le Pen prévoyait d'affecter au contrôle des frontières), semble donc quelque peu ambitieux. D'autant plus que tous les réservistes ne sont pas aptes à intégrer des forces opérationnelles sur le terrain, selon le chercheur. «Le contrôle d'identité aux frontières ça demande une certaine formation qu'ils n'ont pas forcément», ajoute-t-il.
Mais il existe aussi une autre réserve, moins connue, à laquelle pourrait faire référence Marine Le Pen : la réserve opérationnelle de deuxième niveau, RO2, en version abrégée. Composée d'anciens militaires soumis à une obligation de disponibilité et pouvant à ce titre être rappelés pendant cinq ans après leur retraite, cette réserve peut être appelée partiellement ou en totalité, en complément de la réserve opérationnelle classique, «dans des cas exceptionnels de crise», rappelle le Sénat. Plus précisément : «Au titre de la mobilisation générale ou d'une opération de mise en garde justifiée par une menace, ou, plus largement, dans le cadre de mesures nécessaires afin d'assurer l'intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées, ou pour lutter contre d'autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale.» Instaurée en 1999, la RO2 qui compte 98 000 réservistes, n'a jamais été sollicitée. Reste donc à démontrer que l'immigration constitue un «cas exceptionnel de crise»…