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Libération
Récit

«On va gagner», chantent les militants FN à Hénin-Beaumont

Dans cette ville symbole du frontisme municipal, les partisans de Marine Le Pen ont fêté l'accession de leur candidate au second tour.
Au QG de Marine Le Pen, ce dimanche à Hénin-Beaumont. (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 23 avril 2017 à 22h37

Il y a un barbecue gigantesque rempli de braises brûlantes, avec des saucisses et des brochettes, des gars se réchauffent les mains devant. Une boutique de souvenirs où on trouve un tas de babioles à l'effigie de Marine Le Pen, des stylos ou des boutons de manchettes à 15 balles, des briquets FN. Dans la salle, un buffet attend qu'on le dévalise : coupes de champagne pas encore pleines, pains surprises, petits fours et gaufres du Nord. On est au complexe sportif François Mitterrand à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). La salle est pleine de journalistes et de militants d'extrême droite particulièrement joyeux : leur candidate favorite est au second tour de la présidentielle.

Quelques minutes plus tôt, ils ont hurlé, chanté une Marseillaise et «On va gagner», «Marine présidente», «On est en finale», secoué leurs drapeaux (Français, les drapeaux). Certains ont mis leur tenue du dimanche (justement, on est dimanche). Beaucoup de blazers, chemise, jeans et pin's clignotants «Marine présidente» accrochés au veston, quand ce n'est pas la broche «rose bleue», beaucoup de robes noires, parfois un badge «drapeaux français» piqué entre les seins. Il y a quelques gosses. Les gens sont plutôt sages, ils attendent le discours de la candidate d'extrême droite devant les écrans géants placés derrière la scène. Ils tournent en boucle sur TF1 et BFM TV. On siffle quand un autre candidat apparaît, on applaudit quand c'est un sympathisant interviewé.

«La candidate du peuple»

Rudy a 48 ans, il est conducteur de cars à Méricourt, il vient de passer en direct sur France 2. Moment de gloire. Son collègue Madjid l'appelle sur son portable pour le féliciter. L'autre répond : «Tu vois, mes idées sont claires dans ma tête, je suis pas raciste ni facho, loin de là», puis se marre. «Marine arrive, écoute son discours ! Je peux pas parler plus longtemps, je te rappelle.» Sa compagne nous tapote l'épaule : «Vous avez vu ? Son collègue s'appelle Madjid, et ils sont copains, ça prouve bien que…»

Marine Le Pen est sur scène. Ça hurle, forcément, «on va gagner !», encore. Une femme un peu petite a du mal à voir. «Mais si regarde, elle est là.» La candidate FN félicite ses électeurs, appelle «tous les patriotes de France» à voter pour elle au second tour, se pose en «choix de l'alternance», pour «une autre politique» loin des «héritiers de François Hollande» (dans la salle : «Macron, bouh»). «Il est temps de libérer le peuple Français, oui je suis la candidate du peuple.» Cris de joie, encore, Marseillaise encore aussi. Plus tôt, on a croisé Steeve Briois, maire frontiste de la ville, content. Il nous a dit que, maintenant, la stratégie pour le second tour, ça allait être de brasser large, draguer «les électeurs de Mélenchon, pour qu'ils reviennent à la maison».

«Tabou de dire qu’on vote FN»

On recroise Rudy. Pour lui, les 21,7% de Le Pen au premier tour, ce qui la place en deuxième position derrière Macron, «c'est pas une défaite, c'est une grande victoire». L'homme nous apprend qu'avant, il votait socialiste, mais que depuis cinq ans, «c'est Marine». Il en est fier. En France, «c'est un peu tabou de dire qu'on vote Front national, à cause des médias qui nous font passer pour des fascistes. Moi je n'ai pas honte de le dire». Rudy veut un retour des «anciennes valeurs», «que chacun puisse vivre avec un minimum vital», «qu'on remette les gens au travail», «et surtout qu'on lutte contre l'insécurité, parce qu'en France tu peux pas faire un pas sans te faire agresser». Fin de la discussion.

Clément, 23 ans, étudiant, André, son père, retraité moustachu, acceptent aussi de nous parler. Les deux votent FN depuis quatre ans (les municipales) le premier préférait avant Mélenchon, le deuxième la droite. «Mais maintenant, je vote extrême droite.» Pourquoi ? «Hollande a fusillé la France, mais y'a pas que lui, y'a aussi Sarkozy et tous les autres partis, ce sont tous les mêmes.» Là, on parle du «Front républicain» qui est en train de se dessiner, la plupart des candidats pas qualifiés au second tour ayant appelé à faire barrage au FN. «Si ça passe pas en 2017, ça passe en 2022 ?» demande-t-on. «Ça passera en 2017.» Il est 21h20, des militants ont pris d'assaut le buffet, englouti les gaufres et attaqué le champagne. ça danse. Les enceintes crachent un titre disco : Imagination, Just an Illusion.