Après l'annonce, il fallait bien l'image. Au lendemain du ralliement à l'extrême droite de Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen s'est montrée samedi avec sa nouvelle prise, un candidat Debout la France encore frétillant, dans son habituel costume d'autoproclamé «gaulliste humaniste».
Les deux nouveaux comparses, couple politique inédit, se sont affichés lors d'une conférence de presse devant un seul drapeau, français, forcément, pour les deux souverainistes eurosceptiques. Le Pen a parlé de «sursaut», de son éternel «choix de civilisation», et résumé l'arrivé de Nicolas Dupont-Aignan comme une «grande alliance patriote et républicaine». «Nicolas, merci», a-t-elle dit sous quelques mous applaudissements, brossant dans le sens du poil ce «patriote». A son tour, Nicolas Dupont-Aignan a voulu faire de cet événement un moment historique. «C'est un jour historique parce que nous faisons passer l'intérêt de la France avant des intérêts personnels ou partisans», a-t-il affirmé.
Mariage opportuniste
La frontiste voudrait faire de ce mariage opportuniste - l'«anti-système» Dupont-Aignan ayant négocié un poste de Premier ministre dans un futur gouvernement éventuel - un gros coup et un symbole que les digues auraient sauté. L’homme, qui à la surprise générale a obtenu 4,7% des voix au premier tour de la présidentielle, pèse 1,7 million d'électeurs. Il est surtout considéré par une partie de ses sympathisants comme un héritier de Charles de Gaulle. Ancien membre de l’UMP, qu’il a quitté il y a dix ans, Nicolas Dupont-Aignan peut également apparaître comme un politique acceptable aux yeux de fillonistes rebutés par l’idée d’un vote Macron, ou qui se cherchent encore une excuse pour passer le pas et glisser un bulletin Le Pen dans l’isoloir.
Le ralliement de Dupont-Aignan, malgré son masque gaulliste, n'étonnera toutefois personne. Certes le candidat de Debout la France s'est souvent positionné comme un adversaire du FN, qu'il jugeait en 2015 «incompatible» avec lui, son programme pour 2017 était en de nombreux points identique à celui de Marine Le Pen. Depuis la rentrée, Nicolas Dupont-Aignan avait surtout fait d'Emmanuel Macron son adversaire principal. Vendredi soir, sur le plateau de France 2, il a répété son couplet : «Notre pays […] a vécu cinq ans terribles avec François Hollande, et je pense que Macron est un François Hollande puissance dix, fabriqué par des intérêts financiers, médiatiques». Un positionnement qui semblait dejà dicté mot pour mot par Marine Le Pen, laquelle se pose depuis quelques jours en «barrage» contre l'ancien ministre de l'Economie, son concurrent au second tour de la présidentielle.
Combine d'appareil
Interrogé sur cette alliance, celui-ci a d'ailleurs dénoncé une «combine d'appareil qui a vocation à régler les problèmes de crédibilité de Marine Le Pen, qui n'a pas d'équipe autour d'elle, et les problèmes de financement de M. Dupont-Aignan». Hier, il avait déjà cogné, en déclarant sur France Bleu : «Ce qui s'est passé de ce côté de l'échiquier politique, c'est une clarification, c'est une recomposition politique qui est en cours», opposant «une droite réactionnaire qui veut sortir de l'Europe et de l'euro» et «un bloc progressiste».
«C'est pitoyable. Cela fait des années que M. Dupont-Aignan rêve d'être Mme Le Pen et, comme il n'y est pas parvenu, finalement il essaye de le devenir par mariage», a déploré de son côté le président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde. «Mais ce qui est encore plus pitoyable, répugnant, révoltant, écoeurant, c'est qu'il essaye de le faire au nom du général de Gaulle. Dans les fondateurs du Front national, autour de Jean-Marie Le Pen, il y avait des gens qui mettaient la main dans la rafle du Vél d'Hiv. C'est d'ailleurs pour ça que Mme Le Pen était intervenue il n'y a pas très longtemps en niant la responsabilité de la France», a-t-il poursuivi.
Même tonalité côté Républicains. Selon le secrétaire général du parti, Bernard Accoyer, Nicolas Dupont-Aignan «montre son vrai visage, celui de la trahison» et a perdu son «honneur». Il a appelé les anciens électeurs du souverainiste à «rejoindre Les Républicains».