Ce sera donc l'Assemblée plutôt que le Parlement européen. Jeudi au 20 heures de TF1, Marine Le Pen, actuellement eurodéputée, a confirmé qu'elle sera bien candidate les 11 et 18 juin dans «sa» circonscription d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). Là où elle avait loupé le coche en 2012 de quelques centaines de voix. Et là, surtout, où elle a obtenu plus de 58% au second tour de la dernière présidentielle – son sixième score en France. Mais alors que son entrée au Palais-Bourbon ne fait a priori pas de doutes, reste à savoir si celle qui est redevenue présidente du FN la semaine dernière sera à la tête d'un groupe parlementaire conséquent. Et même d'un groupe parlementaire tout court.
Les projections d'avant la présidentielle ont en effet été nettement revues à la baisse par les cadres frontistes. Dans un scrutin par nature compliqué pour lui, puisque majoritaire à deux tours, le parti de Marine Le Pen a dû en rabattre avec le fantasme d'un groupe de 60 à 80 députés. Désormais, une trentaine de sièges seraient déjà jugés comme un bon résultat, tandis que 15 à 20 semble une fourchette plus réaliste. Au FN, loin de fixer officiellement un objectif chiffré, le secrétaire général et directeur de la campagne législative, Nicolas Bay, évoque une «entrée massive» en soulignant que le Front national ne dispose en l'état que de deux députés à l'Assemblée.
«Chantage»
Pour la patronne du FN, se poser en cheffe de file de la campagne législative frontiste, c'est faire le choix de redescendre illico dans l'arène après une présidentielle où elle a battu tous les records électoraux du parti mais dont elle est paradoxalement sortie plus affaiblie qu'avant le premier tour. Sa candidature aux législatives prouve que c'est au Palais-Bourbon qu'elle considère pouvoir le mieux incarner son statut de cheffe autoproclamée de l'opposition. Une arène où Jean-Luc Mélenchon devrait aussi faire son entrée, lui qui avait affrontée Marine Le Pen à Hénin-Beaumont il y a cinq ans mais qui a cette fois choisi un terrain électoral plus confortable, à Marseille.
Sur TF1, Marine Le Pen est revenue sur cette présidentielle qui a beaucoup déçu dans son camp. Elle a ainsi reconnu que la question de l'euro avait inquiété les Français et que le sujet faisait l'objet d'un débat au sein du FN. Il y a quelques jours, Florian Philippot a d'ailleurs déjà menacé de quitter le FN si la sortie de l'euro n'était plus au programme. «Chantage», a taclé Nicolas Bay, plus proche des thèses libérales-identitaires. Mais si la ligne politique sociale-souverainiste de Philippot défendue par Marine Le Pen ne fait toujours pas l'unanimité au Front national, il serait aventureux d'enterrer l'influent numéro 2 du parti. Lui et ses proches, surreprésentés dans les circonscriptions «gagnables», dénoncent ses opposants, pourraient ainsi être majoritaires dans les troupes frontistes à l'Assemblée. L'annonce par Florian Philippot de la création, «au sein du FN», d'une association baptisée «Les Patriotes» à laquelle on peut adhérer sans rejoindre le Front national, a d'ailleurs été très modérément appréciée au-delà de ses fidèles.
Pression
Jeudi soir, Marine Le Pen a aussi reconnu pour la première fois qu'elle-même avait «raté» («je le dis très clairement») son débat d'entre-deux tours. Non pas sur le fond puisqu'elle a revendiqué d'avoir voulu mettre à nu les risques d'une présidence Macron, mais seulement sur la forme : «Trop de fougue, trop de passion.» Un mea culpa a minima mais inédit, qui démontre la pression, elle aussi inédite, qui s'exerce désormais sur la patronne du Front. L'alliance avec Dupont-Aignan, qui n'a pas survécu au 2e tour de la présidentielle même si Debout le France et le FN se sont entendus «au cas par cas» pour les législatives, est aussi à mettre au passif de la cheffe frontiste, qui se heurte toujours à une profonde difficulté à rassembler.
Tous ces sujets seront au menu, a priori début 2018, du prochain congrès du FN, qui s'annonce plus tendu qu'à l'habitude. Du résultat des législatives dépendra pour beaucoup la capacité de Marine Le Pen à contenir les mécontentements à peu de frais. Pendant ce temps, Marion Maréchal-Le Pen a, elle, décidé de prendre du champ, labourant la question identitaire (quand Philippot se braque sur la question monétaire) dans des interviews qui ne sont pas celles d'une retraitée. Dans son camp et au-delà, sa main tendue à la droite Wauquiez n'est pas passée inaperçue. Autant de graines semées pour plus tard ?