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Analyse

Législatives : cinq choses à retenir sur l'échec du FN

Avec seulement 13,2% des voix, le parti fait moins bien qu'en 2012 et aura du mal à disposer d'un groupe à l'Assemblée.
Marine Le Pen a voté à Hénin-Beaumont, où elle est candidate pour les législatives, le 11 juin. (Photo Denis Charlet. AFP)
publié le 12 juin 2017 à 12h49

Nouvelle douche froide au FN. Quelques semaines après la défaite présidentielle de Marine Le Pen, le parti d'extrême droite a subi dimanche un nouveau revers au premier tour des législatives. Avec 13,2% des voix, il fait moins bien qu'en 2012 et ne devrait pas disposer, à l'issue du second tour, d'un groupe à l'Assemblée nationale. Retour sur cinq aspects du scrutin.

Marine Le Pen et son radeau héninois

S'il n'y en a qu'une, ce devrait être elle : avec 46% des voix dans la onzième circonscription du Pas-de-Calais, Marine Le Pen a manqué de peu la victoire dès le premier tour, et part archi-favorite au second face à la candidate de La République en marche, Anne Roquet (16,4% au premier tour). De quoi préserver son leadership, fragilisé après son large échec au second tour de la présidentielle.

Le scénario a un air de déjà-vu. Nous sommes en 2007 : à l'issue d'une campagne présidentielle chaotique, Jean-Marie Le Pen vient d'essuyer une humiliante défaite, se voyant éliminé dès le premier tour avec moins de 10% des voix. En interne, certains en tiennent responsable sa directrice de campagne : sa fille Marine. Celle-ci se mettra pourtant hors d'atteinte en étant, aux législatives, l'unique candidate frontiste à parvenir au second tour – dans la circonscription d'Hénin-Beaumont, déjà. Aujourd'hui comme il y a dix ans, le Pas-de-Calais fait office de radeau pour une Marine Le Pen en péril.

Victime de l’abstention ?

La défaite poussera-t-elle le FN à se remettre en cause ? Pour l'heure, c'est par le mode de scrutin et l'abstention que les responsables frontistes expliquent leur mauvais résultat. La chute de la participation, c'est vrai, a particulièrement nui au Front national. Selon l'institut Ipsos, l'abstention a été forte dans des catégories assez favorables au FN, comme les ouvriers, dont 66% sont restés loin des urnes dimanche. Même résultat en fonction du vote à la présidentielle : 57% des électeurs de Marine Le Pen se seraient abstenus, le taux le plus élevé parmi les principaux candidats.

Reste à savoir si la faute en revient au mode de scrutin et à la «propagande médiatique», comme le juge le FN, ou à un parti incapable de mobiliser sa propre base. «Le débat, quoi… Il n'y a pas grand-chose à faire», soupirait dimanche un frontiste, attribuant le faux pas de son parti à la mauvaise prestation télévisée de Marine Le Pen entre les deux tours de la présidentielle.

Le FN sevré de triangulaires

Avec 13,2% des voix, le FN fait moins qu'en 2012, que ce soit en pourcentage (13,6% à l'époque) ou en voix. Sur le papier, pourtant, la situation du parti n'est pas si dramatique : au total, 122 frontistes se sont qualifiés pour le second tour, soit deux fois plus qu'en 2012. Et le FN arrive en tête dans vingt circonscriptions, contre seulement quatre lors des précédentes législatives. Problème : dans plus de 75% des cas, ces qualifiés seront opposés à un candidat de La République en marche, avec de faibles probabilités de succès.

Ce n'est pas tout : il y a cinq ans, vingt-huit candidats FN avaient pris part à une triangulaire au second tour. Cette configuration est la plus favorable au parti d'extrême droite, car elle évite la constitution d'un «front uni» contre lui. Elle avait d'ailleurs permis l'élection de ses deux seuls députés, Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard. La donne est différente cette année : en raison de la forte abstention, un seul frontiste sera engagé dans une triangulaire, dans la première circonscription de l'Aube.

Les figures FN à la peine

Hors Marine Le Pen, peu de hauts cadres frontistes ont de vraies chances de l'emporter dimanche prochain. Certains prennent même la porte dès le premier tour, comme le secrétaire général Nicolas Bay en Seine-Maritime, à vingt voix près, ou son adjoint Jean-Lin Lacapelle dans les Bouches-du-Rhône, qui a souffert de la concurrence d'un partisan de Jean-Marie Le Pen. L'acteur Franck de Lapersonne, récemment rallié et porté à bout de bras par la direction du FN, échoue lui aussi dans la Somme.

Situation difficile pour Florian Philippot en Moselle, son frère Damien dans l'Aisne, le vice-président Louis Aliot dans les Pyrénées-Orientales ou Philippe Olivier, le beau-frère et conseiller de Marine Le Pen, dans le Pas-de-Calais : qualifiés pour le second tour, leur faible avance ou leur deuxième position leur compliquera la tâche. Parmi les meilleures chances du FN figurent les conseillers marinistes Bruno Bilde, dans le Pas-de-Calais, et Sébastien Chenu, dans le Nord. Deux candidats d'extrême droite non-FN peuvent aussi l'emporter : Emmanuelle Ménard, épouse du maire de Béziers et candidate dans sa ville, et l'ex-FN Jacques Bompard, député sortant du Vaucluse.

Vers la grande explication ?

Que le FN soit un parti uni, il n'y a plus que sa présidente et ses porte-parole pour le prétendre. Depuis longtemps évidentes, nourries par le mauvais résultat de Marine Le Pen à la présidentielle, les querelles internes du parti devraient encore être alimentées par le revers frontiste aux législatives. Dès lundi, certains cadres ouvraient le combat par médias interposés. «J'ai été le premier à regretter que certains aient fait entendre des voix discordantes au sein du parti au lieu de se concentrer sur la campagne des législatives, a déclaré Nicolas Bay au Parisien, visant le vice-président Florian Philippot et sa nouvelle association, Les Patriotes. Les prochains mois pourront être consacrés à élaborer une stratégie pour être plus rassembleurs, à s'interroger sur notre programme et sur notre organisation.»

Réponse de l'intéressé, lundi matin sur Europe 1 : «Moi je suis arrivé en tête dans ma circonscription, je me sens visé en rien. Mais chacun a sa part de responsabilité et y compris ceux qui ont dirigé la campagne de ces législatives.» Une double allusion à Nicolas Bay, éliminé au premier tour et effectivement en charge de la campagne.