Comme un parfum de discorde. Alors que la dirigeante du FN Marine Le Pen pensait en ce mois de septembre pouvoir faire de sa formation le premier parti d'opposition, en contestant à Jean-Luc Mélenchon ce rôle qu'elle estime lui revenir de droit, le Front national est aujourd'hui en passe de devenir le premier parti d'opposition… interne. Nouvel épisode des désaccords qui minent le mouvement d'extrême droite depuis des mois, Marine Le Pen a (re)demandé lundi en bureau politique à Florian Philippot de quitter la présidence de son association, Les Patriotes, structure que le numéro 2 du FN a créée en pleine campagne pour les législatives. Une décision mal vécue à l'époque par la dirigeante frontiste et depuis objet d'une colère chez certains cadres du Front national de plus en plus tenace. Ils voient dans cette initiative une provocation au sein d'un parti archicentralisé qui ne reconnaît pas les tendances. A minima une déclaration d'indépendance de celui qui, jusqu'à présent, mène la stratégie frontiste, mais continue de menacer de quitter le parti si des sujets comme la sortie de l'euro venaient à être abandonnés du futur programme «patriote».
C'est que le FN est en pleine «refondation» et il ne faudrait pas que celle-ci, nécessaire après le double échec à la présidentielle et aux législatives, se transforme en cacophonie. Raté. «On ne fera pas la refondation avec un pistolet sur la tempe» a répondu mardi sur RMC et BFMTV un Florian Philippot désormais acculé par la dirigeante frontiste. Le même jour, sur RTL, celle-ci avait prévenu qu'elle «prendrai[t ses] responsabilités» si son vice-président n'accédait pas à sa demande. Ce que ne compte pas faire Florian Philippot qui voit dans les attaques concernant Les Patriotes un «prétexte» de ses opposants au sein du parti pour le faire tomber. Beaucoup au FN, cadres comme militants, imputent en effet au souverainiste la débâcle de la dernière séquence électorale, une stratégie trop «tournée à gauche» et pas assez, en gros, vers les électeurs de François Fillon déboussolés par la débandade de leur champion.
S'il y a encore quelques jours, des cadres haut placés au Front tentaient de tempérer la crise en réduisant ces tensions à des «querelles d'ajustement», mettant ces affrontements sur le dos d'une culture interne pas habituée aux clivages, il semble désormais que le divorce entre la dirigeante frontiste et son numéro 2 soit plus que jamais d'actualité. La situation évoque même à certains observateurs le psychodrame des rapports qu'ont pu entretenir Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret avant la scission du FN, à la fin des années 90. «Les observateurs en font toujours trop», tempère un cadre du FN, «c'est la marque de fabrique du parti, ça monte dans les tours, mais les esprits échaudés finissent toujours par se calmer».
Même quand l'autorité de Marine Le Pen est en jeu ? «Moi, je [fais] confiance [à Florian Philippot] pour lever [les] ambiguïtés, pour rassurer les adhérents du Front national et pour, je le souhaite, se reconcentrer, comme l'intégralité des dirigeants du Front national, sur cette grande œuvre de refondation», a pointé mardi la dirigeante frontiste, présentant le vice-président du FN comme un obstacle à l'opération de reconquête engagée par le parti. Entre la crise et la guerre.