Menu
Libération
Vœux

Marine Le Pen souhaite à la presse une bonne année… et des condamnations en diffamation

Devant les journalistes, ce lundi, la présidente du Front national a violemment démenti des enquêtes de «Mediapart», «Buzzfeed» et «Libération», remettant en cause leur professionnalisme. Et annonce des plaintes en diffamation.
Nanterre, le 15 janvier 2018. Siège du Front national. (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 15 janvier 2018 à 18h50

Cette année, les traditionnels vœux à la presse étaient l'occasion pour Marine Le Pen de lancer la deuxième phase de la «refondation» de son parti, engagée après sa double défaite à la présidentielle et aux législatives. Ce qu'elle a fait. Mais aussi de dire aux médias son attachement à la liberté d'informer. Et là, ce fut plus compliqué. Aux journalistes présents ce lundi au siège du Front national, à Nanterre (Hauts-de-Seine), Marine Le Pen a d'abord lancé : «Je vous adresse, à vous ainsi qu'à vos confrères, à vos organes respectifs, tout le meilleur pour 2018. Je vous souhaite la liberté, celle que beaucoup de vos confrères perdent en ce moment même au travers du monde…» Problème, la veille, trois enquêtes remettant en cause le professionnalisme de Marine Le Pen et de ses proches ont été publiées : une de Mediapart, une de Buzzfeed et une autre de Libération. De fait, ce lundi, la déclaration d'amour de Marine Le Pen à la presse s'est arrêtée là.

«Harcèlement» et immigrés

Dans son discours, la patronne du FN a d'abord donné quelques indices sur la nouvelle ligne du Front national pour les mois à venir : «Une nouvelle fracture idéologique sépare désormais les post-nationaux, mondialistes, et les nationaux dont le Front national constitue le noyau central.» La dirigeante frontiste a ensuite condamné le «harcèlement de rue», selon elle le fait d'immigrés qui importent une culture de «non-respect des femmes, de soumission des femmes et même l'expression, pour beaucoup, d'un mépris à l'égard des Françaises». Elle a aussi affirmé que, plus généralement, «le harcèlement est une réalité, surtout lorsqu'il s'exprime de la part de gens qui ont un pouvoir, notamment hiérarchique, mais c'est à la justice de s'occuper de cela».

Gratte-papier mythomane

Interrogée au sujet de l'enquête de Libération, qui revient sur les accusations de harcèlement sexuel dont a fait l'objet en novembre le député FN Bruno Bilde, et sur les pressions subies par ceux qui l'ont incriminé, elle a déclaré : «Libération sera condamné en diffamation, et j'espère que les magistrats auront la main lourde, parce que le procédé est professionnellement gravement fautif et humainement indigne.» Des éléments de langage entendus plus tôt sur LCI dans la bouche de Sébastien Chenu, porte-parole du parti d'extrême droite, pour défendre ce très proche de Marine Le Pen : «Il n'y a aucune plainte déposée contre ce député du Front national, et je crois que malheureusement nous serons amenés nous-mêmes à déposer des plaintes contre tous ceux qui feront vivre ce type de diffamation contre ce parlementaire. Derrière tout ça, c'est un règlement de compte politique, et nous poursuivrons celles et ceux qui jouent avec cela.»

Ce lundi, Marine Le Pen a également été questionnée au sujet des enquêtes de Mediapart et Buzzfeed. La première concerne (entre autres) le témoignage d'un ancien permanent du QG de campagne de Marine Le Pen pendant la présidentielle, Mickaël Ehrminger. Le jeune homme de 27 ans y pointe l'«amateurisme» de l'appareil frontiste. Dans Mediapart, il décrit une campagne «sans stratégie [ni] ligne directrice», où «tout est décidé par la dernière personne» entrée dans le bureau de la candidate, «de manière aléatoire». Une équipe où beaucoup «ne savent pas quoi faire [et] ne croient pas en la victoire». Réponse de la présidente du Front national : «Ehrminger était un gratte-papier mythomane. La campagne était tellement bien organisée qu'on est arrivé au second tour.»

«Pousser des gens dans l’abstention»

L'enquête de Buzzfeed, elle, dévoile une note de campagne signée Damien Philippot, dans laquelle l'ancien sondeur de l'Ifop conseille à la candidate de tout faire, durant le débat d'entre-deux tours, pour «dégrader l'image de Macron, quitte à perdre en crédibilité, pour pousser des gens dans l'abstention». Réponse de Marine Le Pen : «Je ne commenterai pas des documents qui ont été acquis dans des conditions que je considère éminemment contestables.» Bref, bonne année 2018 aux journalistes, sauf à ceux qui enquêtent sur le Front national.