Un 1er Mai aux antipodes. Alors que mardi, comme il le fait chaque année, son père honorera Jeanne d'Arc à Paris, Marine Le Pen a carrément délocalisé celui du Front national dans le sud de la France, à Cannes et Nice. Quand le patriarche en appellera à la pucelle d'Orléans, sa fille s'affichera entourée d'une bonne part de ce que l'Europe compte de formations national-populistes. On sent que le scrutin continental est le prochain sur l'agenda et que, pour Marine Le Pen, autant s'inscrire dans cette dynamique collective après son (relatif) échec personnel à la présidentielle.
Poils
Si le cru 2018 marque une rupture définitive - alors que Jean-Marie Le Pen ne fait plus partie du FN -, depuis 2015 l’hommage annuel du Front à «Jeanne» n’avait déjà plus rien à voir avec l’espèce de «marche des fiertés» qu’il fut jadis. Marine Le Pen a d’ailleurs tout fait pour qu’il en soit ainsi.
Il y a trois ans, tandis que le parti qu'elle dirige réfléchit au sort à réserver à son (alors) président d'honneur de père pas encore exclu, Jean-Marie Le Pen débarque sur la scène, perturbant le raout parisien de sa fille. Peu après, un groupe de Femen en fait autant - mais torse nu - depuis le balcon de leur chambre d'hôtel. Trop pour Marine Le Pen, qui se jure alors qu'on ne l'y reprendra plus, saisissant la perche pour modifier la vieille formule du 1er Mai frontiste. C'est chose faite dès l'année suivante, quand elle fait le choix d'honorer le rendez-vous traditionnel frontiste, mais en fleurissant une autre statue parisienne de Jeanne d'Arc, place Saint-Augustin, en petit comité. Histoire d'en montrer le moins possible et de limiter les risque de débordements, de la part d'opposants mais aussi des groupuscules de tous poils, fort peu «dédiabolisés», qui ont pris l'habitude, du temps du père, de se greffer au cortège. A chacun son 1er Mai, chez les Le Pen il en va désormais ainsi.
Un an après un second tour de présidentielle raté, on se demandait quelle forme Marine Le Pen allait donner à son hommage à Jeanne d'Arc pour s’éviter les questions gênantes sur le nombre d’adhérents frontistes en chute libre et la perspective d’un maigre cortège parisien. D’où le choix de Cannes, où l’on trouve aussi une statue de la Pucelle. Pratique, car le même jour, non loin, est organisé à Nice un rassemblement du Mouvement pour l’Europe des nations et des libertés (Menl), dont la présidente du Front national fait partie avec ses alliés européens. A Nice, donc, où les identitaires sont bien implantés (leur leader historique, Philippe Vardon, est un cadre frontiste influent et vice-président du groupe FN au conseil régional de Paca), on verra si Marine Le Pen félicite de nouveau Génération identitaire pour son opération antimigrants qu’ils ont menée au col de l’Echelle.
Invité, le chef de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, qui a cartonné dans les urnes aux dernières législatives, pourrait ne pas être présent à Nice, selon l’AFP, ce qui représenterait un revers symbolique pour Marine Le Pen, qui s’est lancée depuis peu dans une phase de «désenclavement» du FN en vue des prochaines européennes.
Soutiens
Le parti d'extrême droite se veut en effet l'architecte du rassemblement des droites et cherche des soutiens un peu partout. C'est vrai sur la scène européenne, ça l'est au moins autant dans l'Hexagone. Lors du congrès «refondateur» du FN, qui s'est tenu à Lille en mars, le parti «a fait le constat qu'[il] n'arriverait pas au pouvoir sans alliances», selon un proche conseiller de sa présidente. Mais pour l'instant cette stratégie peine à se concrétiser, en tout cas en France - mis à part l'appui de l'ancien ministre des Transports Thierry Mariani, qui pourrait rallier une future liste du FN pour les européennes de 2019, mais dont les appels à envisager un «accord» avec le parti d'extrême droite n'ont pour l'instant eu aucun écho dans son camp.
Outre Marine Le Pen, sont annoncés à Nice le secrétaire général du FPÖ autrichien, Harald Vilimsky, le chef du Parti pour la liberté néerlandais, Geert Wilders, et l’ancien dirigeant du Vlaams Belang belge et actuel président du Menl, Gerolf Annemans. Tout ce beau monde est invité à célébrer la montée des courants nationalistes en Europe : en France, mais aussi en Autriche, en Italie, en Allemagne et en Hongrie. Marine Le Pen n’a-t-elle pas été une des premières à féliciter Viktor Orbán pour sa récente victoire dans les urnes ?