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Libération
Récit

Marion Maréchal (-Le Pen), ce n’était qu’un au revoir

Il aura fallu à peine un an après son retrait de la vie politique pour que la nièce Le Pen revienne sur le devant de la scène. En créant une école destinée à l’élite «des droites», elle affiche son ambition de recomposer le paysage politique.
Marion Maréchal (-Le Pen), le 4 février 2017 à Lyon. (Photo Laurent Troude)
publié le 30 mai 2018 à 21h06

Marine Le Pen peut se rassurer tant qu'elle peut… Non, sa nièce Marion Maréchal(-Le Pen) ne revient pas en politique, et il n'en est vraiment pas question, en tout cas pas tout de suite. Si on la voit beaucoup en ce moment, c'est parce qu'elle a un projet d'entreprise, rien à voir avec le fait qu'elle alimente volontairement le bruit médiatique autour de sa personne. «Je crois à sa franchise, je crois à son honnêteté, elle n'a pas d'agenda caché», a martelé la présidente du FN mardi sur Radio Classique, douchant autant que possible les espoirs des admirateurs de l'ancienne députée du Vaucluse et conseillère régionale de Provence-Alpes-Côte d'Azur quand eux voient dans chacune des apparitions de l'«étoile montante» de l'extrême droite française, retournée à la «vie civile», un divin présage.

Le chaud et le froid

Après une intervention remarquée en février à Washington au raout de l'alt-right américaine, Marion Maréchal(-Le Pen) enchaîne pourtant depuis plusieurs jours les «confidences» à la presse «de droite», Valeurs actuelles, Boulevard Voltaire… Elle vient aussi de relooker son patronyme en Maréchal tout court (lire ici). Rien dans tout ça ne ressemble vraiment à une «retraite» à proprement parler : l'ex-élue de 28 ans a encore lancé un projet d'école de sciences politiques à Lyon et est l'invitée d'honneur, ce jeudi soir, d'une conférence-débat à Paris, sa première prise de parole publique en France depuis juin 2017.

L'événement, «Débranchons Mai 68», est organisé par l'Incorrect, magazine lié à la droite conservatrice - lancé par des proches de Marion Maréchal(-Le Pen) -, et l'association versaillaise des «Eveilleurs d'espérance», avec l'idée qu'il faut «liquider» ce Mai 68 tant honni par la droite dure. Une occasion en or pour elle de se montrer en championne de la droite souverainiste, patriote, économiquement libérale et conservatrice sur les valeurs sociétales qui se cherche un leader crédible.

La coqueluche des militants frontistes (en 2014, elle était arrivée première des votes des adhérents pour le comité central du parti, et elle vient de gagner 7 points de popularité auprès des sympathisants FN quand sa tante en a perdu autant, selon un sondage BVA) s'est mise en retrait de la vie politique en mai 2017, après la défaite de Marine Le Pen à la présidentielle, officiellement pour des «raisons personnelles». Elle était aussi (surtout ?) excédée par le niveau d'amateurisme du Front national lors de la campagne. Une mise à distance qui lui permettait également de ne pas être associée aux multiples affaires qui menacent le parti d'extrême droite, et donc de mieux préparer son retour. Cela, aucun observateur n'en doute vraiment, même si les proches de Marion Maréchal(-Le Pen) font mine que pour l'instant, «même elle ne sait pas», quand la principale intéressée souffle le chaud et le froid un peu partout dans les médias : «Si un jour j'ai le sentiment que je peux être vraiment utile, que j'ai la légitimité pour repartir, pourquoi pas… Je referai peut-être des choses, je suis incapable de rester indifférente à l'état de mon pays», a-t-elle déclaré sur le plateau de TLM Lyon. Son come-back ne pourra de toute façon se faire qu'après un passage réussi par la case «projet professionnel», qu'elle a promis d'entreprendre.

A l'époque de son départ, Marion Maréchal(-Le Pen) avait déjà laissé planer le doute sur ses intentions futures, affirmant à ses soutiens qu'elle «n'[abandonnait] pas le combat politique» définitivement. Mais celle qui a été élue dès l'âge de 22 ans en 2012, sous la pression de son grand-père Jean-Marie Le Pen, avait surtout assuré vouloir «connaître autre chose». Elle a ainsi annoncé la semaine dernière la création de l'Institut de sciences sociales, économiques et politiques (Issep), dont l'ouverture est prévue en septembre. Cet établissement, dont elle sera la directrice, n'est rien d'autre qu'un centre de formation idéologique haut de gamme pour futurs CSP+ de droite et d'extrême droite. Là encore, il ne faudrait surtout pas y voir un projet politique, mais «métapolitique», selon ses mots.

«Refondation»

Vouloir préparer l'après avec une nouvelle génération de dirigeants de droite, un vivier de cadres et de militants au service de son ambition future est tout sauf anodin. A condition bien sûr de revenir un jour en politique… Ce qui se fera forcément via le Front national. «On reste en France prisonnier de la forme "parti", exception faite à Macron», analyse Jean-Yves Camus, directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès. Le politologue doute qu'un «LREM de droite» puisse émerger un jour. Si elle a cette ambition, Marion Maréchal(-Le Pen) a un calendrier compliqué avant 2022.

Mais pour l'instant, elle a toutes les raisons d'attendre : le Front national est encore en pleine «refondation» (le parti d'extrême droite devrait se doter vendredi de son nouveau nom, «Rassemblement national») et sa dirigeante actuelle porte encore les stigmates de sa présidentielle ratée, peinant toujours à faire oublier à ses électeurs son calamiteux débat d'entre-deux-tours. Quand l'image de Marion Maréchal(-Le Pen) est, elle, intacte. Surtout, à la différence de sa tante, la jeune femme apparaît libre de tout appareil (même si elle a encore sa carte au FN). Quant à LR, l'autre parti d'opposition de droite, il souffre d'un grave problème de leadership. Laurent Wauquiez, détesté jusque dans son propre camp, est en perte de crédibilité. Il est d'ailleurs régulièrement cité dans les sondages d'opinion parmi les personnalités politiques les moins appréciées des Français après… Marine Le Pen. Ce qui laisse une belle place à qui voudrait incarner un jour cette fameuse «réunion des droites» que beaucoup, pariant sur la recomposition politique post-Macron, croient possible.

A la prochaine présidentielle, selon Jean-Yves Camus, l'ancienne députée aura deux options : «soit elle passe son tour et reprend le parti sur des bases nouvelles après un troisième échec de Marine Le Pen, soit elle devient candidate à la place de sa tante». Et il faudrait pour cela que cette dernière lui en laisse l'occasion. Mardi, sur Radio Classique, Marine Le Pen a redit que le moment venu, «si quelqu'un d'autre est mieux placé, alors je le soutiendrai car je me bats non pas pour moi-même mais pour nos idées». Simple formule ?