La cour d’appel de Paris examinait lundi le recours formé par le Rassemblement national (ex-Front national) contre la récente saisie d’une partie de ses aides publiques, décidée le 28 juin par les juges Claire Thépaut et Renaud Van Ruymbeke dans le cadre de l’affaire des emplois présumés fictifs au Parlement européen. La décision, mise en délibéré, sera rendue le 26 septembre.
Les cadres du parti d’extrême droite ont fait de cette affaire un combat politique : selon eux, l’ex-FN pourrait bientôt mettre la clé sous la porte si la décision judiciaire qu’ils souhaitent voir annuler devait être maintenue. A moins qu’il ne sollicite un peu plus la générosité de ses sympathisants.
Dons. Rendant publique début juillet la mesure ordonnée contre lui, la formation mariniste avait immédiatement lancé une campagne de dons, agitant la menace d'une cessation de paiements avant la fin de l'été si elle ne récupérait pas rapidement l'argent. Soit 2 millions d'euros, représentant un peu moins de la moitié de l'acompte qui devait lui être versé en juillet au titre de l'aide d'Etat, une manne de 4,5 millions d'euros pour ce parti finaliste de la dernière présidentielle.
Le gel de la dotation a été décidé dans le cadre de l’enquête sur les emplois d’assistants parlementaires FN présumés fictifs au Parlement européen. Dans cette affaire, le parti dirigé par Marine Le Pen est accusé d’avoir mis en place, sur deux mandatures, un système généralisé d’emplois fictifs à Strasbourg et Bruxelles, afin d’y faire rémunérer des personnes se consacrant en réalité à des fonctions internes au parti. Auraient bénéficié du procédé une quarantaine d’assistants, salariés par l’institution entre 2009 et 2017. L’information judiciaire, ouverte en France pour «abus de confiance», «escroquerie en bande organisée», «faux et usage de faux» et «travail dissimulé», cible notamment 17 eurodéputés.
Le Parlement européen, qui évalue son préjudice à presque 7 millions d’euros, a déjà réclamé à Marine Le Pen 340 000 euros, somme qui correspond aux salaires de Thierry Légier, garde du corps de Marine Le Pen, et de Catherine Griset, employée présumée fictive au poste d’assistante parlementaire de Marine Le Pen entre 2010 et 2016, alors que l’amie intime et ancienne belle-sœur de la présidente du Rassemblement national exerçait au même moment la fonction de secrétaire en chef puis cheffe de cabinet de sa patronne, au siège à Paris. Le dossier totalisait début juillet quatorze mises en examen, dont celles du Front national comme personne morale, ou encore de Marine Le Pen (aujourd’hui députée à l’Assemblée nationale) ainsi que son père, Jean-Marie Le Pen.
La saisie pénale des deux millions d’euros par les juges Claire Thépaut et Renaud Van Ruymbeke du 28 juin est une première en France pour un parti politique. Dans leur ordonnance, les magistrats la justifient par l’endettement du parti et le risque d’une «dissipation» des sommes, selon l’AFP. «Scandale démocratique absolu»,«coup d’Etat», martèle depuis que la décision est connue Marine Le Pen. Selon la dirigeante frontiste, la mesure consisterait ni plus ni moins qu’en «la disparition à court terme» du parti fondé par son père. «Ils nous appliquent la peine de mort à titre conservatoire», écrit-elle dans le communiqué qui accompagne le site créé par le RN pour la campagne de dons, «Alerte démocratie».
Lancée en pleine coupe du monde de football, celle-ci aurait permis à RN de récolter 300 000 euros dès les premiers jours, ce qui l’aurait aidé à se financer au moins pour le mois d’août, sans pour autant que cela soit jugé «suffisant» pour la suite par les cadres du parti : «Les moyens financiers que nos électeurs nous ont accordés nous permettent de gagner un mois d’oxygène», assurait la semaine dernière Marine Le Pen à Libération.
«Flux». Selon le député du Nord et porte-parole de RN, Sébastien Chenu, la récolte aurait toutefois depuis atteint les 500 000 euros, grâce à 8 000 donateurs, «avec un flux continu» : «On est à du 50 000 euros par jour, à la louche.» Des données invérifiables, mais quoi qu'il en soit, là encore cela ne suffirait pas à renflouer les caisses du parti d'extrême droite, ni à lui éviter la banqueroute. Pour Sébastien Chenu, «il n'y a pas de date limite de fin à la campagne. Tant qu'on n'est pas sorti d'affaire, les dons continuent. Jusqu'à ce qu'on puisse y voir plus clair, savoir si l'on tient.» Au moins jusqu'au 26 septembre.