Demi-victoire pour le Rassemblement national (ex-Front national) : si la justice a bien confirmé mercredi le «principe» de la saisie à titre conservatoire d'une partie de ses aides publiques en prévision d'éventuelles futures condamnations dans l'affaire des assistants parlementaires RN au Parlement européen, le montant de celle-ci a été réduit de 2 à 1 million d'euros. Le parti d'extrême droite qui avait d'abord annoncé se pourvoir en cassation pour contester ce «principe», affirmant que la confiscation, même réduite de moitié, «continuera à attenter à la participation équitable des partis politiques à la vie démocratique de la nation», ne le fera finalement pas, et ce afin de récupérer le million au plus vite.
Clé sous la porte
La saisie pénale de 2 millions d'euros, une première en France pour un parti politique, avait été ordonnée par les juges Claire Thépaut et Renaud Van Ruymbeke le 28 juin dernier dans le cadre de leur enquête sur des soupçons d'emplois fictifs d'assistants parlementaires RN au Parlement européen. Le parti dirigé par Marine Le Pen est accusé d'avoir mis en place, sur deux mandatures, un système généralisé pour rémunérer avec des fonds de l'Union européenne des personnes qui travaillaient en réalité pour le Front national, mais avec la qualité d'assistant parlementaire à Bruxelles et Strasbourg. Une quarantaine d'assistants, salariés par l'institution entre 2009 et 2017, seraient concernés par le procédé. L'information judiciaire, ouverte en France pour «abus de confiance», «escroquerie en bande organisée», «faux et usage de faux» et «travail dissimulé», cible notamment dix-sept eurodéputés. Le Parlement européen évalue son préjudice à presque 7 millions d'euros.
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Dans ce dossier, quinze personnes ont déjà été mises en examen, la dernière en date, le Belge Charles Van Houtte, pour «complicité de détournements de fonds publics». Selon le Monde, les magistrats réfléchiraient à alourdir toutes les mises en examen précédentes, dont celle de Marine Le Pen, en les requalifiant en «complicité de détournements de fonds publics», délit passible d'1 million d'euros d'amende et dix ans de prison. Marine Le Pen sera normalement fixée sur son sort avant janvier.
En attendant, les cadres du parti d’extrême droite ont fait de cette affaire un combat politique : selon eux, le gel des dotations servirait à forcer le Rassemblement national à mettre la clé sous la porte. Rendant publique début juillet la mesure ordonnée contre elle, la formation mariniste avait illico sollicité la générosité de ses sympathisants, avec une campagne de dons qui lui a pour l’instant rapporté, selon ses cadres, un peu plus de 600 000 euros.
Difficultés financières
«Scandale démocratique absolu», «coup d'Etat», avait quant à elle martelé Marine Le Pen. «Ils nous appliquent la peine de mort à titre conservatoire», avait-elle écrit dans un communiqué accompagnant un site créé par le RN pour la campagne de dons, «Alerte démocratie».
Exemple concret des difficultés financières auxquelles aurait tout de suite commencé à faire face le Rassemblement national après la décision des juges Thépaut et Van Ruymbeke : le parti n'a pas présenté de candidat à la législative partielle dans la 7e circonscription de la Réunion, ce qu'il aurait fait s'il en avait les moyens, assurent ses cadres. «On essaye toujours d'être présent à chaque élection, notamment pour ne pas donner l'habitude à nos électeurs de voter pour quelqu'un d'autre», explique l'un d'eux à Libération.
Autre illustration : un tiers des permanences RN – chiffre invérifiable – auraient fermé dans toute la France cet été, faute de sous pour payer le loyer, a affirmé Marine Le Pen devant la presse lors d'un déplacement à Châlons-en-Champagne.
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Réunion bon marché
Quoi qu'il en soit, mi-septembre, le parti de Marine Le Pen avait dû revoir les prétentions de sa rentrée politique à la baisse. Alors que RN devait normalement organiser une université d'été sur deux jours à Fréjus, il a transformé l'événement en une formation en média training à l'attention de quelques élus, ce qui a permis au RN de faire payer les déplacements et le logement de ses invités par l'Etat. La chose a été suivie d'un court meeting de deux heures à peine avec discours de la présidente, dans une salle du théâtre municipal de Fréjus de 800 personnes.
Même si les personnes présentes ont eu droit à une petite performance d'un sosie vocal de Johnny Hallyday version RN (un conseiller régional dans le Grand Est), le rendez-vous avait tout de la réunion bon marché. «On a fait un truc simple parce qu'on n'a plus d'argent. Il n'y a pas de honte à être pauvres. Ça ressoude les liens, et on montre à tout le monde qu'on est un parti antisystème», a dit un proche de Marine Le Pen aux journalistes. Manière de surfer politiquement sur ses déboires judiciaires.