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Municipales 2020 : au RN, les sortants dans un fauteuil sauf à Mantes-la-Ville et au Luc-en-Provence

Si dans sept des villes remportées il y a six ans, le parti d'extrême droite l'a emporté dès dimanche, ses sortants sont à la peine dans ces deux communes. Pour des raisons différentes.
Cyril Nauth, maire de Mantes-la-Ville, en mars 2014. (Photo Fred Dufour. AFP)
par Tristan Berteloot et Mathilde Frénois, correspondante à Nice
publié le 16 mars 2020 à 18h43

L'ambition numéro 1 du RN pour ces municipales 2020 était de garder la dizaine de villes remportées en 2014, avec, éventuellement, l'idée de «prendre un certain nombre de communes» au passage, le plus souvent aux alentours. Pour la deuxième partie de l'objectif, on repassera : le parti d'extrême droite n'est en position de gagner nulle part, sauf peut-être à Perpignan, «sa plus grande chance de victoire», où Louis Aliot a terminé en tête à 35%. Il faudrait pour cela une absence de «front républicain» en face. Eventuellement à Moissac (Tarn-et-Garonne), où son candidat Romain Lopez a manqué de l'emporter au premier tour (47%). Et si à Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais, 20 000 habitants), le député Ludovic Pajot est arrivé premier à 38,6%, devant l'ex-PS Bernard Cailliau (34,5%), le maire sortant Olivier Switaj, arrivé troisième, a déjà annoncé se désister pour faire barrage à l'extrême droite.

Prime aux sortants

Pour le reste : les cadres avaient prédit que le RN était «a priori, en situation de repasser» partout, et au soir du premier tour, le contrat est plus ou moins rempli, dans un contexte national de prime aux sortants dont tous les partis qui en avaient ont bénéficié. La plupart des maires RN l'ont ainsi emporté dès dimanche, parfois avec des scores staliniens : à Hénin-Beaumont, Steeve Briois a été sacré avec 74% des suffrages, à Hayange, Fabien Engelmann a été réélu avec 63%, tout comme Julien Sanchez à Beaucaire (59%), Franck Briffaut à Villers-Cotterêts (53%), David Rachline à Fréjus (50,6%), Joris Hébrard au Pontet (57%). Quant à Robert Ménard, soutenu par le RN, il a obtenu 68% des suffrages biterrois.

A l'inverse, le parti d'extrême droite est à la peine dans deux autres communes qu'il administre. Au Luc-en-Provence, commune du Var de 10 000 habitants, on a vu défiler trois édiles depuis 2014. D'abord Philippe de la Grange, qui a quitté son poste dans l'année à cause d'un «problème de santé», puis Patricia Zirilli, partie en dénonçant des «pressions» politiques, et enfin Pascal Verrelle. Ce dernier n'est arrivé qu'en seconde position dimanche, à 38% derrière le LR Dominique Lain, à 43%. Verrelle a beau se dire «positif car nous avons une énorme réserve de voix, l'électorat qui ne s'est pas mobilisé, c'est le nôtre. Nous avons toutes nos chances de rattraper notre retard», la tâche risque d'être rude si le second tour devait bien se tenir le 22 mars. D'autant que les électeurs du Luc ont semblé voter dimanche dans une ambiance de dégagisme, lassés de cette valse interminable au conseil municipal, gage d'amateurisme : «Le principal c'est que le FN soit viré du Luc», dit un candidat non qualifié.

A Mantes-la-Ville, seule municipalité d'Ile-de-France aux mains de l'extrême droite, le maire sortant Cyril Nauth est, lui, arrivé en tête, avec 34% des voix, et trois autres candidats sont en position de se maintenir au second tour : Sami Damergy, l'ancien président du club de foot, soutenu par La République en marche, arrivé deuxième à 27%, l'écologiste Amitis Messdaghi, qui compte des socialistes sur sa liste (17%) et un candidat divers gauche, Romain Carbonne (14%). Le candidat de droite Eric Visintainer a, lui, plafonné à 7% et ne peut donc pas se maintenir.

La situation est particulière à Mantes-la-Ville : en 2014, la commune des Yvelines a été remportée par Nauth un peu par accident. Dans une quadrangulaire où la gauche n'a pas réussi à s'entendre, le candidat (alors FN) avait gagné de 60 voix devant la PS Monique Brochot. Beaucoup d'habitants parlent depuis d'un «traumatisme», avec un certain ressentiment contre la socialiste et l'autre «coupable» de gauche, Annette Peulvast-Bergeal. Les deux se sont depuis greffées sur les listes arrivées finalement deuxième (pour Peulvast-Bergeal) et troisième (pour Brochot). De fait, tous les candidats avaient prévenu avant les élections : «Nous partons divisés au premier tour mais unis au second», et «pas question de se maintenir si on n'est pas en position de remporter la ville, pour ne prendre aucun risque».

«Relever la tête»

Dimanche, Sami Damergy a donc appelé ses concurrents à tenir parole : «Ce score est encourageant et nous appelons tous les candidats à nous rejoindre.» Sortie relayée par Pierre Bédier, président (LR) du conseil départemental : «Le Rassemblement national peut être battu à Mantes-la-Ville.» Problème : la fusion des listes n'est pas faite non plus. Lundi, Damergy (LREM) devait rencontrer Romain Carbonne (divers gauche), qui n'est pas venu. «On avait rendez-vous à 9 heures et il a argué d'un contretemps», nous dit un proche. Selon nos informations, Carbonne aurait déjà prévenu que si l'écolo Amitis Messdaghi rejoignait la liste LREM, lui n'irait pas. Quant à cette dernière, elle devait rencontrer Damergy dans l'après-midi pour décider, après une réunion avec son équipe dans la matinée.

«S'il peut y avoir un accord, ça sera avec la liste d'Amitis Messdaghi, nous dit un colistier de Sami Damergy. Ils sont issus de partis démocratiques, de gauche, et je pense que par rapport à 2014, le Parti socialiste a appris de ses erreurs.» Un autre ajoute : «La dernière fois, les candidates s'étaient maintenues car elles étaient dans un mouchoir de poche, mais cette fois, il y a dix points d'écarts. J'espère que les autres vont être raisonnables, et ne pas donner les conditions d'un maintien du RN dans la ville. S'ils veulent des postes, on discutera. Mais l'inverse serait catastrophique pour la commune, et pour ses électeurs, qui ne comprendraient pas. Il faut retrouver son honneur, c'est l'occasion où jamais de relever la tête.»