Avec Gisèle Freund, morte hier à Paris, à l'hôpital Cochin, dans sa
quatre-vingt-onzième année, disparaît une personnalité majeure de la photographie du XXe siècle. Une femme d'aventures et d'engagements, qui dut quitter l'Allemagne nazie en 1933, puis la France où elle s'était réfugiée. Elle y trouva la renommée, d'abord en 1935 grâce à André Malraux qui souhaitait une photo pour illustrer la réédition de son Goncourt, la Condition humaine. «Je l'ai photographié sur ma minuscule terrasse, il avait l'air d'un géant.» Puis en 1981, lorsque François Mitterrand la choisit pour son portrait officiel: «Je lui ai parlé de ses petits-enfants. Il a laissé échapper un sourire imperceptible. C'était dans la boîte.»
25 ans, Paris. Née le 19 décembre 1908 à Berlin au sein d'une famille bourgeoise, Gisèle Freund est proche de son père, grand collectionneur de tableaux. Il l'initie à la photographie en lui montrant les végétaux grandeur nature de Karl Blossfeldt, et lui offre, après son baccalauréat, un appareil tout nouveau, un Leica. «On pouvait le glisser dans sa poche et faire trente-six photos de suite. C'était merveilleux!», confiera-t-elle à Rauda Jamis dans un livre d'entretiens passionnant (1). Après avoir échappé de peu à la Gestapo, la jeune étudiante en sociologie poursuit à la Sorbonne sa thèse commencée à Francfort. Elle cherche à comprendre l'influence de la photographie sur l'homme: «La photographie a démocratisé le portrait. C'était là l'idée de base de ma thèse. Mon trava