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Interview

Ellsworth Kelly : «Je dessine la forme, c'est tout»

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Le peintre américain Ellsworth Kelly détaille sa technique:
publié le 17 janvier 2002 à 21h42

A 78 ans passés, le peintre Ellsworth Kelly reste le témoin actif d'un très grand art abstrait américain. Moins connu que son ami Jasper Johns, mais vénéré à New York, il est l'un des jalons essentiels d'une pratique de l'art privilégiant les questions formelles ­ format, échelle, couleur, effets rétiniens... ­ qui doit beaucoup aux expériences d'Henri Matisse.

Avec vos dessins de plantes, on prend immédiatement conscience que la nature n'est pas la culture. Vous dessinez des motifs naturels, mais vos dessins ne sont-ils pas contre-nature?

Je dirais plutôt qu'ils procèdent d'un naturalisme étrange. J'ai appris à dessiner à Boston, juste après la guerre, en 1947. Notre professeur à la Boston Museum School, une école extrêmement conservatrice, nous apprenait uniquement le nu. Je ne savais rien de l'abstraction. On peignait le matin et l'après-midi, on dessinait d'après modèle. Tout notre effort était concentré sur le fait de tracer, en deux lignes, la courbe d'un bras, de la rendre vivante ­ comme le fait si bien Matisse ­ avec un blanc entre deux traits... Le dessin, c'est savoir voir. Plus on pratique, plus on devient «voyant». J'ai commencé à dessiner des plantes parce qu'elles sont planes. Je voulais comprendre l'empiétement de deux formes l'une sur l'autre, l'exagération d'un trait. Lorsque je dessine des plantes, je ne veux pas de la couleur, je ne veux pas détailler l'intérieur des feuilles. Je dessine la forme, c'est tout. Il s'agit de structure, pas de description. Dans mes peintures, de même, je veux que la forme existe dans l'espace «littéral».

Qu'est-ce que vous entendez par espace «littéral»?

La sculpture existe dans l'espace littéral. La peinture a toujours été une relation entre figure et fon