C'est à l'endroit sans doute le moins spectaculaire du Centre Pompidou (son Cabinet d'art graphi que) qu'il se passe quelque chose. L'événement est ténu, fragile, cadré dans un petit ensemble de salles blanches, dont les cimaises, blanches, sont pourvues de feuilles blanches à peine noircies de quelques lignes de crayon ou d'encre. L'installation est sage: d'un côté, les dessins d'Henri Matisse (1869-1954), de l'autre, ceux d'Ellsworth Kelly (né en 1923), avec, au centre, quelques travaux sur papier des deux artistes réunis. C'est tout. Ces tracés, pourtant, concentrent en eux la magie de l'art: captiver l'attention, cultiver le regard.
Non que l'esprit zen règne dans ces salles moins incolores qu'acolores (le a privatif pour signaler qu'aucun des deux artistes n'y a mis de la couleur). Les deux artistes en effet partagent, sans s'être connus (les dessins de Matisse couvrent la période 1898-1949, ceux de Kelly vont de 1949 à 1999), une vigoureuse passion pour les plantes. D'où le thème unique de l'exposition, qui n'est pas exhaustive (Kelly, lui-même, a opéré un choix serré): chacun de ces dessins représente le végétal. Plante, fleur, feuille. Encore faut-il que l'on s'accorde sur ce mot «représentation». Car, quoique quel ques spécialistes se soient penchés sur la question et qu'ils y aient reconnu (plus souvent chez Matisse que chez Kelly d'ailleurs) tel ou tel spécimen plus ou moins rare, le dessin des artistes ne doit pas grand-chose à la botanique ou aux sciences naturel