Elle aime Tchekhov. Il aime Molière. Elle cultive la «frustration», lui «la jouissance». Elle évoque une porcelaine, il ressemble à un ours en peluche trop cajolé. Et on les sent inséparables, comme les oiseaux qui chantent à tour de rôle dans les cages précieuses. «Parle, toi», dit-elle. «Non, toi.» Le premier mot qui leur vient en même temps est «pudeur». Tout expliquer serait une «catastrophe». Ils invitent à écouter le silence, scruter les minuscules indices, tricoter des poussières d'intimité, comme dans une saynète Deschiens.
Macha Makeieff a la peau transparente, les yeux entre le gris et le vert d'eau, une silhouette nerveuse, adolescente, inquiète, dans une petite robe ajustée. La fragilité trompeuse des blondes. Il y a longtemps, plus de trente ans, elle imaginait une vie merveilleuse, glissée par magie sur une scène perpétuelle. Petite fille d'immigrés. Numéro six sur neuf, au début. Elle avait 15 ans quand un frère est parti, «laissant un placard plein de chemises vides et seules». Déjà un autre s'en était allé, happé par une maladie de l'esprit. La famille paternelle venait de la Russie blanche, «des gens bizarres, on ne comprenait pas qui on était», s'était fixée par hasard à Marseille. La grand-mère était protestante. A Noël, elle nouait sous son menton la faveur du chapeau de l'Armée du Salut, chaussait des baskets et agitait une clochette dans la rue. Pour un anniversaire, elle avait offert à Macha une boîte plate remplie de morceaux de soie précieuse, «un pe