Prise de contrôle. Ça ressemble à un bras de fer. Elle veut parler de son travail, mais comme elle ne travaille que sur elle-même, ça signifie qu'elle veut parler d'elle. Encore et toujours. On hésite. On a déjà tout. Epais dossier, déclinaisons biographiques, et surtout cette oeuvre consistante d'artiste contemporaine très centrée sur sa quo tidienneté et sa sentimentalité. Et comme Sophie Calle assure qu'elle ne ment pas, qu'elle est toquée d'exactitude, qu'elle est le greffier de sa réalité, on choisit de s'éviter les répétitions. On lui propose de parler du monde qui l'entoure. Elle refuse. Peur du banal, du convenu. Crainte d'enfoncer les portes ouvertes de la bien-pensance de gauche.
Maîtrise du monde. Elle aime le jeu, mais si elle en fixe les règles. Ses démarches (photos et petits textes, installations, films) en témoignent. Elle a beau vanter son obéissance quasi servile, elle ne se soumet qu'aux scénarios qu'elle imagine. On insiste, têtu. Le Proche-Orient ? Elle regimbe. Ironie, il faut donc en passer par les éléments personnels. Sa famille maternelle, juive ashkénaze d'origine. Jeunette, un bref passage dans un camp palestinien au Liban, façon Fabrice à Waterloo. Et son refus d'exposer en Israël avant les accords d'Oslo. Elle dit : «Aujourd'hui, non plus, je n'irais pas.» Pourtant, son rapport à la judaïté n'est pas si simple. «Je ne peux pas en parler comme ça. C'est trop compliqué dans ma tête.» La présidentielle 2002 ? Elle n'a pas voté Jospin