C'est sur le même ponton le musée d'Art contemporain de Lyon d'où il avait lancé, le 1er février 2004, son projet Géographie à l'usage des gauchers (suivi en feuilleton mensuel par Libération) que Philippe Favier a bouclé son expédition artistique. Le soir où il est réapparu rasé de près, le 18 juin, pour le vernissage de l'actuelle exposition qui montre le fruit de sa déambulation, les spectateurs ont compris que Favier n'était en fait jamais parti. Mais bien resté à travailler sur place, seize mois et demi durant, derrière le grand mur de cette salle du musée qui, percé d'un oeilleton, révélait régulièrement des oeuvres ponctuant son faux périple, mais sa vraie aventure plastique.
Comme la légende. Il était une fois un prince qui, pour faire décorer les deux faces longitudinales de la plus grande salle de son palais, avait sollicité quatre-vingt-dix peintres chinois et autant de peintres arabes. Pour que les premiers ne voient pas le travail des seconds, il avait fait tendre un immense rideau au milieu de la pièce. Au bout de nombreuses années, le prince voulut voir ce que les uns et les autres avaient fait. Il s'aperçut d'abord que les Chinois avaient peint tout l'univers, la terre avec ses mers, ses continents, ses êtres vivants, mais aussi le soleil, la lune, les étoiles, les constellations... Emerveillé, le prince fit alors tirer le rideau pour découvrir ce que les Arabes avaient réalisé : ils avaient poli leur mur, de telle façon que, devenu miroir