De l'art de muséifier un message politique. Porté par Jacques Chirac depuis dix ans, le musée du Quai-Branly est pour lui l'aboutissement d'un long cheminement et d'une passion totale pour les civilisations non occidentales. Il reflète l'une de ses rares convictions véritablement structurées : toutes les cultures doivent être reconnues sans hiérarchie pour pouvoir dialoguer au sein d'un monde multipolaire. «La domination de l'Occident, c'est terminé. Et le président de la République est le premier chef d'Etat à l'avoir intégré en proposant à ses interlocuteurs une autre vision des relations internationales», a coutume de répéter en privé son conseiller diplomatique, Maurice Gourdault-Montagne. Illustration au Brésil et au Chili il y a trois semaines, où Chirac a défendu le nouveau président bolivien Evo Morales, dont le programme de nationalisation des hydrocarbures inquiète Etats riverains et multinationales : «Je n'ai pas à juger les choix de politique intérieure d'un homme démocratiquement élu. Mais je sais une chose : il a rendu sa dignité à un peuple privé de ses droits et de son identité.»
L'idée de laisser un édifice pour la postérité n'a jamais intéressé Chirac. Maire de Paris puis président de la République, il n'a pas créé de commissions ou ministère dédiés aux Grands Travaux, comme François Mitterrand. A travers le Quai-Branly, il sanctuarise une certaine idée de la diversité, défendue de tribunes en sommets, en espérant que l'Histoire rendra un jour hommage au vis