Qu'est ce qui vous a conduit à devenir artiste ? Je crois que j'ai commencé à peindre dans le ventre de ma mère. C'était une vocation au sens latin du terme, c'est-à-dire quelque chose qui appelle. Ensuite, enfant, mon grand-père m'a donné la confiance dans le dessin, dans cet autre langage qu'est le langage de l'image. Il n'avait pas supporté le passage entre le XIXe et le XXe siècle et avait choisi de se retirer du monde. Il refusait de parler l'italien et ne parlait plus qu'un latin maccheronico avec ses amis. Il ne voulait plus sortir de la maison et avait décidé d'être sourd, ce qu'il n'était pas évidemment. C'est lui qui m'a appris à communiquer par le dessin. Quand j'avais soif, je devais lui dessiner un verre. Et si je voulais une orangeade, je devais colorier le verre en orange. Je suis toujours resté fidèle à ce langage de communication, dans le sens de «rendre commun», tel que le permettent le dessin et la forme.
Le dessin a toujours été au centre de votre travail. Quel rôle lui donnez-vous ?
C'est un sujet de réflexion que j'ai partagé pendant mes nombreuses années d'amitié avec Daniel Arasse. Nous parlions beaucoup de la différence entre l'esquisse et le dessin. On a toujours tendance à privilégier l'esquisse parce qu'on y trouve la représentation d'une émotion rapide. Le dessin, lui, est un parcours de pensée. S'il y a une pensée dans l'art, elle s'exprime par la forme et par le dessin. Si l'on veut y ajouter l'évocation d'un état d'âme, celui-ci passera