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grand angle

Les désunis d’Amérique

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Bruce Wrighton s’attachait aux milieux populaires et à la banalité du quotidien. Ce témoin des années Reagan, disparu à 38 ans, est exposé à Paris.
publié le 17 novembre 2010 à 0h00

«Il n'est pas dans la photographie qui claque ou dans le pathétique, mais dans le registre de l'empathie», note Françoise Morin face aux portraiturés de Bruce Wrighton (1950-1988) qu'elle expose dans sa galerie parisienne embossée près du canal Saint-Martin (1). Elle a repéré ce photographe américain l'an passé, à Paris Photo, sur le stand de Laurence Miller, un confrère new-yorkais. «Ce fut un vrai choc», poursuit-elle avec enthousiasme, découvrant peu à peu «l'œuvre rare d'un homme qui aimait les gens et ne jugeait personne.»

Ce goût des autres est perceptible dans les portraits aux tonalités radieuses, même si les visages paraissent parfois aussi usés que les vêtements. Ce sont ses voisins, vigiles ou vendeurs ravis dans le centre de Binghamton, dans l'Etat de New York, forteresse originale du groupe IBM. Ou les visiteurs d'un été, forains de passage et travailleurs saisonniers, dont les yeux racontent la tristesse d'être sans maison. A ces désunis de l'Amérique, tous capturés dans les années 80, Bruce Wrighton offre un foyer d'accueil. Il s'essaie autant à changer leur image qu'à tendre un lien vers celui qui les regarde, comme une reconnaissance réciproque. Son credo : «Je veux que les gens puissent être libres de voir ce que j'espère ils verront, c'est-à-dire cette coupure entre une asociabilité manifeste et l'intensité d'une vie commune à tous.»

Formé à l'université de Rochester, Bruce Wrighton n'est pas un reporter à la volée ni un c