Sur deux murs opposés de la Fondation Henri Cartier-Bresson, à Paris, les portraits de Sylvia Gibbert-Melrose et Miriam Diale se font face. Un gouffre sépare les deux femmes, pourtant géographiquement voisines, puisque vivant à Johannesbourg, la plus grande ville d’Afrique du Sud, dans les années 70. La constatation est d’autant plus saisissante que l’une et l’autre prennent strictement la même pose. Allongées sur leur lit, les jambes repliées, fixant l’objectif. Sauf que, manifestement, l’une bénéficie d’un certain confort (radio, lampe de chevet…), tandis que l’autre vit dans le dénuement. La première est blanche, la seconde, noire, et toutes deux résument le quotidien ignominieux qui a caractérisé l’Afrique du Sud de 1948 à 1990. Un demi-siècle durant, le photographe David Goldblatt a ainsi documenté cette société qui était la sienne, évitant tout sensationnalisme pour cerner au plus juste les communautés noire et blanche de l’époque, séparées par cette balafre dénommée apartheid qui allait marquer les esprits et les corps. Complétant ce projet au long cours, baptisé «TJ», Goldblatt présente aussi une autre série de photos, des années 2000, où il a demandé à d’anciens condamnés de poser à l’endroit où ils ont commis leur méfait et de raconter leur déchéance quasi mécanique - père absent, chômage, alcool, défonce… Façon de démontrer que si les inégalités perdurent, elles se situent désormais sur le terrain socio-économique.
Octogénaire d’une étonnante vivacité, David Goldbl