Appeler une exposition d'un nom pareil, Haunted, «hanté» en anglais, qui évoque autant les débuts de la photographie et ses spectres plus ou moins trafiqués, que la pop-culture la plus brillante (de Twin Peaks aux films Ring ou The Others, avec Nicole Kidman), pique forcément la curiosité.
Ça se passe à Bilbao, cité espagnole elle-même hantée par un passé industriel dont le déclin avait manqué causer sa chute. Mais les responsables politiques ont eu l’idée folle d’accueillir, sur une friche industrielle posée au bord de la rivière Nervión, le musée Guggenheim. C’était en 1997, et Bilbao voit depuis ses perspectives ocres, austères, s’enrichir de nouveaux lieux: des ponts arachnéens, un building qui gratte le ciel, une bibliothèque aux airs de ruche blanche taillée dans un cube. A croire que tous les créateurs du monde (depuis des lauréats du prix Pritzker jusqu’à Philippe Starck, qui vient de transformer en centre culturel et sportif les anciens entrepôts de l’Alhóndiga), voulaient absolument, à la suite de Frank Gerhy, laisser leur trace dans l’azur basque.
Ce qui nous ramène à Haunted/hanté, l'endroit où rode une présence, où se forme le souvenir. Selon les concepteurs de l'exposition, qui présente images, vidéos et performances, «le fantôme est la manifestation d'un passé traumatique – en photographie comme dans le drame – et nombre des œuvres choisies sont mélancoliques dans leur façon d'embrasser les traumatismes de la perte».