Plutôt que de lui proposer de se livrer à l'exercice de l'entretien classique, genre dans lequel il excelle, un autre jeu a été suggéré à Christian Boltanski : se servir d'Oblique Strategies, l'ensemble de cartes inventé en 1975 par Brian Eno et Peter Schmidt et destiné à venir en aide à tous les créateurs en panne sèche au beau milieu d'un projet. Face à la page blanche, il suffit à l'artiste angoissé de tirer au hasard l'une des cartes et d'appliquer à la lettre le conseil prodigué. Les questions de cette interview ont donc été tirées aléatoirement au sort parmi l'ensemble des cartes interrogatives de ce jeu devenu au fil des ans indispensable à de nombreux artistes, parmi lesquels Jean-Jacques Schuhl ou Jim Jarmusch. Fidèle à sa réputation de joueur invétéré, Christian Boltanski a démarré au quart de tour.
Y a-t-il quelque chose qui manque ?
Si l’on compare à d’autres pièces de moi, il manque peut-être l’émotion. C’est une œuvre drôle. Une fois achevée, elle me fait penser un peu à Tim Burton, même si je n’y avais pas songé avant. On en sort un peu heureux, mais pas transporté. C’est peut-être un manque.
C’est une œuvre pour quand ?
Cette pièce sera détruite après la biennale de Venise. Une partie sera gagnée et conservée, mais le reste disparaîtra. En même temps, on pourra très bien la rejouer dans cinquante ans, quand je ne serai plus là. De ce point de vue, c’est un peu comme une partition ou un ballet. La pièce que j’ai créée l’an passé pour Monumenta, je désirais la mettre au répertoire du Grand Palais, comme on met une piè