«Avant de planter son objectif devant le visage de quelqu'un, il faut qu'il y ait un minimum de dialogue. Ensuite, l'histoire s'écrit à deux.» L'Italienne Martina Bacigalupo plante clairement le décor de Je m'appelle Filda Adoch, reportage qu'on pourra considérer comme le plus sobrement émouvant de la 23e édition de Visa pour l'image, telle une ode à la vie, exemplaire d'abnégation et de dignité au milieu du désespoir et de la souffrance environnants. Si l'exposition porte un titre à la première personne, c'est que sa singularité repose sur la personnalité d'une Ougandaise qui a perdu une jambe sur une mine, vu mourir deux maris et un fils, victimes de la violence ambiante, et continue d'avancer avec une énergie inouïe. Seule, Filda couve cinq enfants, deux filleuls, dix petits-enfants, une mère, un frère.
Fleuret. Du matin au soir, la quinquagénaire au corps robuste coupe le bois, fait à manger, choie son petit monde et trouve même le temps de philosopher en regardant le feu crépiter, ou les étoiles scintiller. De tout cela, glané sur trois semaines d'immersion entre janvier et février dernier (après un premier contact établi en mai 2010), Martina Bacigalupo, grand nom de demain, rend compte dans un splendide noir et blanc, rehaussé, épatamment aidé par les commentaires de Filda la magnifique, qui décrit chaque image : «Je suis dans le champ de maïs, la bouche grande ouverte, les cheveux en bataille et la poitrine ballante.