C ’est une petite ville à l’extrême Ouest du Texas, une région que les locaux appellent «El Despoblado» (le lieu dépeuplé). En 1979, l’artiste américain Donald Judd y racheta une base militaire abandonnée, Fort D.A. Russell, et y installa des œuvres d’art, les siennes et celles des rares contemporains qu’il admirait. Sans climatisation, sans éclairage électrique, sans cafétéria, mais dans une architecture sobre aux détails ultra-réfléchis – portes à pivots impérativement ouvertes à 45 degrés, toits reconstruits en plein cintre pour être de même hauteur que les murs.
Le projet était ambitieux, un peu mégalo. L'installation, permanente, devait servir d'exemple au monde entier, mettre en lumière un art neuf et radical, le rendre lisible et évident. À rebours des musées qui, selon l'artiste, s'occupaient moins de servir l'art que de construire de beaux bâtiments, «symboles parfaits de la culture des nouveaux riches». Oh, l'actualité du propos !
Aujourd'hui, l'idée semble presque touchante. Avec ce qui se construit tous les jours (à Venise, à Abou Dhabi…) et au vu des motivations qui président à ces constructions, on se demande si Judd a été entendu. Mais Chinati, la fondation qu'il a créée, est devenue, depuis sa mort en 1994, le passage obligé de l'élite arty.
Chaque année, les pèlerins du minimalisme s'y pressent, venus chercher une rigueur et une économie de moyens qu'on peine à trouver (ceci expliquant cela) dans l'art contemporain. Ils s'y recueillent devant des