Le jour où il comprend que son ami Michel Foucault va mourir, écrit Hervé Guibert, «cette certitude me défigura dans le regard des passants qui me croisaient, ma face en bouillie s'écoulait dans mes pleurs et volait en morceaux dans mes cris, j'étais fou de douleur, j'étais leCri de Munch.» On ne peut imaginer plus juste description du monde psychique du peintre norvégien né en 1863 et mort en 1944, de ces algues oranges et vertes flottant, comme la chevelure d'une morte, dans une crépusculaire rivière d'effroi.
Cependant, aucune des cinq versions du célèbre tableau de 1893 n'est présente à l'exposition «Munch, l'œil moderne» : depuis le vol à main armée de 2004 à Oslo, elles ne sortent pas plus de leurs musées que la Joconde ou les Ménines. Un Criétait venu à Paris en 1998, au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, lors d'une mémorable exposition intitulée «Visions du Nord». La mélancolie circulaire de Munch vous mordait tout au long du parcours, le Cri en était le centre et le symbole : à le regarder trop longtemps, sa douleur vous hypnotisait. Sa présence obsédante aurait presque nui au propos de «Munch, l'œil moderne», dans la mesure où cette nouvelle exposition, riche et pensée, commence là où finissait l'autre.
Aux visions intérieures du peintre, à tout ce qui le rattachait aux aventures du symbolisme, du climat et de l’inconscient, les deux commissaires ont préféré son regard extérieur, porté sur le monde qui l’entoura jus