Pour évoquer les frontières, l’artiste turco-londonien Kutlu? Ataman a superposé en bandes horizontales des images du détroit du Bosphore parcourues des brisures d’éclat du soleil. Parfois, un oiseau passe à un niveau et resurgit à un autre. Le résultat est assez hypnotique. Il s’agit d’une des œuvres les plus poétiques exposées pour deux mois à la Biennale d’art contemporain d’Istanbul. Un événement rendu possible par le mécénat d’une famille qui a fait fortune dans les travaux publics, les Koç (prononcez Kotch), dont l’un des héritiers, Omer, est un collectionneur avisé.
Les vidéos d’Ataman illuminent aussi le petit musée d’art contemporain que la Fondation Koç vient d’ouvrir dans la ville sous le nom d’Arter. Là, le vidéaste à la moustache imposante a mis en scène de jeunes Turcs lisant brutalement Shakespeare dans le texte, sans rien y comprendre, manière d’évoquer le drame que représenta pour la culture nationale le changement brutal d’alphabet et la sécularisation voulue par la révolution kémaliste dans les années 20. Il a aussi réalisé, dans un petit village turc, le film d’un conte assez décapant, dans lequel les habitants veulent transformer le minaret de la mosquée en fusée pour permettre à une jeune fille qui veut échapper à un mariage forcé de s’envoler pour la lune. Tout est prêt, mais l’imam s’oppose bien sûr au départ de sa tour, sur quoi les habitants le font chanter en menaçant de dénoncer les rites magiques qu’il peint sur le ventre des jeunes filles nues po