Vous entrez dans la cage aux Fauves et vous tombez sur cette tigresse de Matisse, la Femme au chapeau, venue de San Francisco. Sous la griffe des couleurs, l'œil s'éveille par saignées et saturation. Que perçoit-il ? Une créature assise, coiffée d'un gros bouquet de taches, sur une toile installée dans sa pyrotechnie. L'œuvre est une palette dont la suite va sortir et Matisse est satisfait de son cri. C'est l'époque où il est plus libre, plus neuf, plus révolutionnaire que les autres, Picasso compris. Il vend peu, les quatre Stein le soutiennent, à peu près seuls. Le premier mérite de l'exposition qui s'ouvre au Grand Palais, «L'aventure des Stein», est de mettre au centre cet assaut, cette joie.
Les toiles de Matisse, à cette époque, c'est Rimbaud : «Si j'ai du goût, ce n'est guère/Que pour la terre et les pierres», «J'ai embrassé l'aube d'été.» Les autres ont la mâchoire moins dure ou ils se lèvent trop tard. Quand Picasso voit son Nu bleu en 1907, également présent et venu de Baltimore (un berceau de la famille Stein), il dit : «Je ne comprends pas ce qu'il avait dans la tête : s'il veut peindre une femme, qu'il peigne une femme. S'il veut faire une décoration, qu'il fasse une décoration. Mais ce que nous avons là, c'est ni l'un ni l'autre.» Qu'avons-nous sur ces deux toiles ? La matière brute des sensations. Matisse viole les corps et les jours par le poids, le cru des couleurs.
Un quadrille bipolaire
La Femme au chapeau est exposé au Salon