Des architectures stupéfiantes aux couleurs de feu : rouges, orangées. Soixante dessins de tours, flèches de cathédrales, champignons, au crayon ou à l'encre sur papier Canson, en petits et grands formats. Qui donnent le vertige, comme un songe labyrinthique. Ces représentations de bâtiments fantasmagoriques sont exposées au Carré de Baudouin, lieu méconnu sur les hauteurs de Ménilmontant, à Paris (lire ci-dessous). Elles sont signées Marcel Storr (1911-1976), artiste, lui, inconnu.
Face à cette œuvre, montrée entièrement pour la première fois, on est vite sidéré par les multitudes de détails répétés, déraisonnablement - la crosse gothique est reproduite 600 000 fois. Mais pas seulement. «Il se crée vite une Storr mania, s'amuse le critique d'art Laurent Danchin, commissaire de l'exposition. Car on ne sait presque rien de lui.» Cet obscur auteur ne traite que deux sujets : les églises (l'une ressemble naïvement à deux grandes horloges accolées) ou les mégalopoles futuristes. Loin de tout réalisme, végétal et minéral se confondent, les humains minuscules s'écrasent aux pieds de ces monuments.
Accumulation. L'artiste dessine en commençant par le haut du papier, sans fondation, par accumulation, sans maîtriser la perspective. Les portes sont étroites, fermées, on ne pénètre pas dans ses volumes immobiles, aux indicibles influences. «C'est un exemple fascinant d'art brut, poursuit Danchin, la création habitée d'un possédé fa