Il faut biaiser avec les photographies d’Eva Besnyö. Chercher la diagonale renversant l’image. Parfois évidente (un arbre barrant la vue d’un lac), le plus souvent cachée dans un détail (le dos nu d’un ouvrier sur un chantier), ou dissimulée sous d’autres formes (des rails de tramway traversant une place en arc de cercle).
Texture. Si on prend la tangente, le reste suit. Et la dérive est salutaire. On (re)découvre, dans l'histoire de la photographie, ce moment fécond où elle se libère du carcan de la peinture. Tous les écarts sont permis pour s'affranchir du plan frontal et ouvrir de plain-pied sur des perspectives inédites.
L’œuvre d’Eva Besnyö (1910-2003), d’origine hongroise et dont le Jeu de paume présente la première rétrospective française, est au croisement de deux avant-gardes majeures, en plein essor à Berlin, quand elle y arrive en 1930, à tout juste 20 ans. En réaction à l’esthétique pictorialiste, encore trop proche de la peinture, la Nouvelle Objectivité cherche le langage abstrait de la photographie. Dans l’objectif d’August Renger-Patzsch, un de ses précurseurs, des choses inertes deviennent de troublants protagonistes. Comme cette série de formes à chaussures qui prend l’aspect menaçant d’une suite de prothèses de pieds, à la plastique douteuse et étrangement expressive.
De cette première influence, Eva Besnyö retient le souci de la précision, la netteté de chaque détail, les cadrages en plan rapproché. Prémices techniques qui appuient la textur