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Libération
Interview

«Son unité n’était pas le bit mais le trit»

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Francis Hunger évoque dans une performance bureaucratique Setun, ordinateur soviétique disparu :
Francis Hunger (© Evelyn Jahns)
publié le 3 juillet 2012 à 21h26

Dans «History Has Left the Building», Francis Hunger, ex-citoyen de la RDA, se demande ce qu'il reste du communisme et de l'utopie moderniste. Il s'intéresse au méconnu Setun, ordinateur construit en Union soviétique, en 1958, auquel il a consacré un livre (1). Pour percer son mystère, le visiteur doit patienter dans la file d'attente afin d'accéder au préposé assis derrière l'austère guichet (l'artiste lui-même). Lors de cette performance bureaucratique, les droits du visiteur sont limités. Tout ce qu'il apprendra sur cette machine dépendra de la pertinence de ses questions. «Les commentaires ne sont pas autorisés», précise le règlement placardé sur les murs.

Qu’est-ce qu’un ordinateur ternaire ?

A la différence des systèmes binaires développés alors partout dans le monde qui ne permettaient que deux états logiques (0 et 1), Setun était capable de traiter trois états logiques, -1, 0, et 1. Son unité d’information élémentaire est le trit, par opposition au bit. C’était un ordinateur expérimental construit par Nikolai P. Brusentsov et son équipe à l’université de Moscou, demeuré le seul exemple au monde fondé sur une logique ternaire. Pour Brusentsov, Setun était bien plus fiable que les autres machines fabriquées à l’époque. Cinquante unités ont été manufacturées, utilisées pour le calcul agricole, les centrales nucléaires, pour l’enseignement. Les Américains s’y sont intéressés : on trouve des traces du Setun dans plusieurs publications scientifiques.

Dans quel contexte est-il apparu ?

Les défis scientifiques de l’époque - développement d