Si la vision misérabiliste de la bohème l'emporte nettement au Grand Palais, un autre regard nous est offert au musée de Montmartre : celui de la jubilation qui l'a gagnée dans le dernier quart du XIXe siècle. Spécialiste de cette période, Phillip Dennis Cate redonne ainsi vie au charmant petit musée surplombant la vigne, pour évoquer l'histoire du cabaret du Chat noir (1).
Grand bonheur des bouquinistes, l’enseigne, dessinée par Willette ou reprise par Steinlen, est archiconnue. Mais peu se doutent de la créativité qui a bouillonné sous la protection du malin félin, croisé dans les ruelles au retour des soirs de cuite.
Fin 1881, fils de limonadier, poète et illustrateur, auteur du mémorable Discours du bitume, Rodolphe Salis aménage en café-concert le guichet postal du bas de son immeuble, boulevard Rochechouart. Le caveau du Chat noir (allusion grivoise évidente) adopte résolument le style troubadour, dignement représenté par un Garde suisse - refusant l'entrée aux prêtres et aux militaires - ou le Crâne de Louis XIII enfant trônant parmi moult bibelots. Brocardant le bourgeois de passage, on y déclame volontiers en «vieux françois», convoquant les mânes de Villon et Rabelais. L'arrière-salle accueille poètes, dessinateurs et musiciens qui y fondent l'Union des arts. Elle est illico baptisée «l'Institut» et les serveurs rhabillés en costumes d'académicien.
«Moderne». Tout petit, le lieu est vite bondé, s