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Libération
Critique

Sophie Elbaz, ombres portées

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Photo. A Paris, la photographe expose, entre rêves et fantasmes, son voyage en Algérie sur les traces de son histoire familiale.
«L'île fantastique», tryptique, Constantine, 2007. (Photo Sophie Elbaz)
publié le 11 décembre 2012 à 20h46

Rouge : ainsi commence le voyage de Sophie Elbaz dans les entrailles de sa vie. Plongeant dans un sous-sol aux arches voûtées comme celles d'un souk, on entre dans son rêve d'Algérie où elle n'est pas née, que ses parents ont quittée en 1954 sans regret apparent, mais où l'ancêtre à peine connu, le père de son père, est mort en 1962, refusant, après l'indépendance, de rejoindre ses enfants. Rouge le rideau, ajouré comme un moucharabieh, rouge la robe sensuelle de la femme : les images brûlent, illuminées de l'intérieur par des led. Sur le mur d'en face, l'acte de mariage du père, juif, né à Constantine, et la mère, catholique, née à Belfort. «C'est la matrice, dit-elle, c'est là que tout débute.»

«Tout», c'est-à-dire «la reconstitution d'une histoire pleine de blancs»,au terme d'une quête qui l'a saisie, alors qu'elle avait répondu en 2007 à l'invitation d'une artiste algérienne. Cinq ans après, Sophie Elbaz installe dans le sous-sol aux pierres à vif du Musée d'art et d'histoire du judaïsme, ses «Géographies intérieures» à la force de songes vus.

Escalier. Cheveux et regard noirs, Sophie Elbaz est une femme ardente : «Un obstacle, je saute, je ne pose pas de question, c'est ce qu'on m'a appris, être une fière cavalière.» Longtemps photographe de presse, elle a frotté son humanisme aux violences guerrières (Bosnie, Rwanda, intifadas, pour Reuters, Sipa). Il y a quinze ans, elle coupait «avec ce monde dur, d'homm