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Libération
Interview

«Archéologie et enterrement, c’est le même geste»

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Le photographe et vidéaste explique sa démarche face au passé :
Zaatari Akram (Photo : Agop Kanledjian)
publié le 16 décembre 2012 à 22h16

Comme il passait par Paris Photo le mois dernier, on a stoppé net Akram Zaatari dans le hall de son hôtel, en train de transbahuter un yaourt de la salle de petit-déj jusqu'à sa chambre. Il dit dans un français un peu accentué : «Votre visage me dit quelque chose.» Plus tard, pendant l'entretien, à un autre artiste qui le salue : «On s'est déjà vus, non ? - Non.» Voilà ce que c'est que d'enterrer et déterrer sans cesse des visages.

Peut-on définir votre travail comme un «commissariat» des souvenirs d’autrui ?

Non, pas vraiment. J’ai toujours considéré les autres comme une extension de soi, de l’expérience personnelle. Avoir accès aux mémoires des autres, c’est avoir plusieurs bras lancés dans l’espace et le temps. Mais ce qui m’intéresse vraiment, ce n’est pas tant le contenu des souvenirs que les pratiques qui lient les individus au cinéma et à la photographie. Toute étude de l’histoire, du moins de mon point de vue d’artiste, est censée s’appuyer sur des éléments d’archéologie, photographiques et textuels, ou sur des objets. Ceux-ci peuvent beaucoup mieux témoigner de certaines complexités inexplicables, particulièrement dans des sociétés en conflit. Pour dire les contradictions, il faut peut-être accepter de laisser les objets rayonner avec une certaine intensité. Donc non seulement ce qui se passe dans ces photos, ces archives, mais aussi une histoire des pratiques.

Vos vidéos documentent aussi votre propre usage des images, les vôtres ou celles des autres…

Je m'intéresse aux chemins multiples que je peux prendre par rapport à une photo. Dans Aujourd'hui, j'utilise au début des outils plutôt documentaires, mais ce