J'ai commencé à fréquenter les prétoires (côté voyeurs) quand je me documentais pour le tome 2 des Sauvages. Pour le tome 3, que je suis en train de terminer, j'ai besoin de renseignements qui n'ont plus rien à voir avec le droit pénal. Je ferais mieux de consacrer mes journées à des recherches plus utiles–sauf qu'entre-temps j'ai attrapé le virus. La machine judiciaire me fascine, qu'il s'agisse de la prose impeccable du Code de procédure pénale ou de ce qu'on peut apercevoir de son application dans les boiseries des salles d'audiences, assis sur ces bancs étroits qui ont des craquements d'agenouilloirs d'église.
C'est une étrange communauté que celle des spectateurs de procès: retraités un peu vicieux, chômeurs trompant l'ennui, vieilles bourgeoises du VIe–au fond, de simples amateurs d'émotions fortes lassés des écrans et des douleurs fictives. Ce que l'on vient chercher ici, c'est ce que Perry Mason, The Practice ou chez nous l'inénarrable Cas de divorce n'ont jamais pu nous apporter: l'authenticité d'une voix qui tremble, l'humour graveleux d'un président sur les rotules au bout de la vingtième affaire, les noms africains écorchés, les traducteurs introuvables, les proches du prévenu qui reniflent au moment du réquisitoire et sanglotent tout à fait à l'annonce des délibérés… C'est tout ça qu'on veut voir. La souffrance pour de vrai – pour de vrai mais sur scène. Le beurre et l'argent du beurre, en somme.
I La correctionnelle
Les comparutions immédiates sont