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grand angle

Les gangues humaines de Jesse Fernández

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De son regard aigu qui voit les ombres dans les hommes, il a dardé Castro, Borges, Dalí et bien des anonymes, à La Havane, Mexico, New York dans les années 50 et 60. Les photos du Cubain sont exposées à la Maison de l’Amérique latine, à Paris.
Salvador Dali, à New York, en 1957. (Photo Jesse A. Fernandez)
publié le 7 janvier 2013 à 20h06
(mis à jour le 8 janvier 2013 à 11h29)

En 1959, à La Havane, une révolution fait bander les vivants et les morts. Un photographe cubain de 34 ans, Jesse A. FernFernándezndez, attrape en lumière naturelle la gueule éclatante des acteurs et des figurants : héros, écrivains, artistes, gens de la rue. Il les attrape sur fond fréquemment nu ou peu encombré. Son regard fait le vide autour d’eux pour faire le plein en eux. Une photo de lui sur une plage, avec Castro, indique qu’il ressemble à ceux qu’il suit. Ses portraits et ceux qui les précèdent ou les suivront, à Mexico, New York, Londres, Paris, têtes et corps de célébrités ou d’anonymes, bénéficiant tous de la même intensité de regard et de pensée, sont parmi les plus sobrement vifs que l’on ait fait des années 50 aux années 80.

José Lezama Lima dans un bar, un client chez un barbier, Octavio Paz en costume noir au bureau, un enfant dans un panier colombien, Françoise Sagan dans l’ingénuité distanciée de sa jeunesse, le visage de Bacon travaillé par le vent de la chair, et tant d’autres, de Dietrich à Cioran, de Maria Schell à Severo Sarduy, de Vargas Llosa à Carlos Fuentes, de Miles Davis à Edgar Varèse, de Hemingway à Joan Miró, pris souvent devant un mur nu, face au peloton de résurrection, rejoignant cette danse tantôt alerte, tantôt macabre, où chaque homme devient le concentré d’une époque et de son idée. Si on devait choisir un point de vue, la farandole exposée à la maison de l’Amérique latine défilerait sous le regard de Buster Keaton vieilli, dans une con