Né en 1962 dans la province du Heilongjiang, dans le nord-est de la Chine, Yue Minjun (qui vit aujourd’hui à Pékin) est l’une des figures les plus marquantes de cette génération d’artistes émergés durant les années 90, souvent regroupés dans le mouvement du «réalisme cynique». Le terme «figure» lui va d’ailleurs plutôt bien puisque la plupart des œuvres évoquent son autoportrait avec une bouche démesurément ouverte en un grand rire et remplie d’un nombre invraisemblable de dents alignées comme des touches de piano.
Volontairement stéréotypée, l’image est devenue sa signature, son logo. Logiquement intitulée «l’Ombre d’un fou rire», l’exposition de la Fondation Cartier, qui rassemble une quarantaine d’œuvres, est la première de cette importance en Europe. Elle rappelle que ce sourire n’est qu’un rictus amer derrière lequel se cache un regard plein d’ironie, de dérision, de malaise sur la société chinoise contemporaine.
D’où vient cet attachement à l’autoportrait ?
Au départ, l'idée était simple : comme je voulais devenir rapidement une star dans le domaine de la peinture, je me suis dit que la meilleure façon de me faire connaître était de faire circuler le plus possible mon portrait [rires]. Ensuite je me suis aperçu qu'en reproduisant systématiquement mon visage, j'arrivais, à travers la constance de cette image, à faire passer beaucoup de choses.
Pourquoi tant de dents ?
Comme je peins des éclats de rire, et donc des bouches grandes ouvertes, je suis bien obligé de les remplir de ces rangées de dents. D’autre part, comme je cherche un e