Spécialiste de l’étude des châteaux médiévaux et expert indépendant en histoire de l’architecture depuis vingt-cinq ans, Christian Corvisier est le commissaire de l’exposition «Rêve de monuments», dont il livre certaines clés.
Les œuvres présentées dans l’exposition concernent uniquement des châteaux et des abbayes. Est-ce un parti pris ?
Oui. A la différence de la cathédrale ou de l’église, lieux de culte ouverts à tous, le château et l’abbaye sont des lieux de vie privilégiés, fermés sur le monde extérieur par une clôture. Pour le château, c’est une enceinte fortifiée entourée de fossés, dotée de tours et d’un pont-levis ; pour l’abbaye, une barrière plus symbolique mais tout aussi infranchissable, car sacrée. Dans les deux cas, celui qui n’y est pas admis n’a qu’une idée fantasmée des richesses et secrets qui y sont enfermés.
Le style gothique avait donc aussi une fonction pratique…
L’enceinte des châteaux, des villes fortifiées - Carcassonne, le Mont-Saint-Michel - et la clôture des abbayes avaient pour fonction de préserver cette société morcelée tenue par de grands dynastes. Expression d’une société féodale aux pouvoirs non centralisés, en quête de légitimité puis d’idéal chevaleresque, ce style s’exprimait principalement par ces architectures «autarciques», admirables mais fermées. L’avènement de l’Etat moderne centralisé a transformé le chevalier en courtisan. L’architecture de l’élite avait changé, maîtrisant la nature par la géométrie au lieu de s’y intégrer harmonieusement. C’en était fini du gothique ! Du moins l’a-t-on cru…
A quand remonte le regain d’intérêt pour la ruine gothique ?
A la seconde moitié du XVIIIe siècle en Angleterre, un peu plus tard en France, où il s'est installé