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Critique

Loutherbourg, palette à louer

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Arts. A Strasbourg, sa ville natale, le peintre préromantique qui annonce Turner fait l’objet d’une expo mettant en lumière son talent, encensé par Diderot. Ainsi que son opportunisme.
"Une avalanche dans les Alpes", (1803) de Philippe-Jacques Loutherbourg. (Tate, Londres 2012. )
publié le 21 janvier 2013 à 19h46
(mis à jour le 22 janvier 2013 à 10h59)

Philippe-Jacques de Loutherbourg est un magicien dans tous les sens du terme. L’exposition qui lui est consacrée dans sa ville natale s’ouvre par un bijou : son portrait exécuté par Thomas Gainsborough, alors qu’il mène depuis sept ans à Londres une seconde carrière. A la soixantaine, il se peindra en artiste installé, ayant gagné une corpulence de bon aloi.

Né à Strasbourg en 1740, le peintre est entré à 15 ans dans l'atelier parisien de Joseph Casanova. Il est suffisamment doué pour que son professeur signe ses paysages à sa place. L'élève se venge en couchant avec sa femme, Joseph Casanova n'étant pas tout à fait un «Hercule là où il faut», pour reprendre les termes de son frère, l'écrivain débauché.

Pigeon. A 23 ans, Loutherbourg obtient «l'agrément» de l'Académie royale avec un paysage qui attire l'attention de Diderot, lequel le met cependant très tôt en garde contre la facilité («Combien il lui reste de belles choses, si l'attrait du plaisir ne le pervertit pas»). Le jeune artiste se spécialise dans les pastorales, sous influence hollandaise, et les marines, en s'inspirant du maître du genre, Joseph Vernet. Il est reçu à l'Académie comme «peintre de paysages et de batailles» avec une scène de combat forçant l'enthousiasme de Diderot, qui lui trouve presque du «génie». Doué d'une technique incontestable, il fait preuve d'une science de la composition, toujours centrée sur l'action, où il plonge le spectateur.