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Libération
Critique

Dunkerque mordu de CoBrA

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Arts. Dans le Nord, le Laac présente une rétrospective consacrée au mouvement pictural éphémère qui, de 1948 à 1951, réunit entre autres Asger Jorn, Pierre Alechinsky et Karel Appel.
publié le 31 janvier 2013 à 20h16

En 1951, Jean Renoir tourne en Inde le Fleuve, qui marque son entrée dans la couleur. Il utilise les teintes des tropiques, que l'œil trie et retient comme un souvenir d'enfance. Vers la fin du film, un cobra tue l'enfant qui voulait le charmer. Au même moment, en Europe, le Belge Pierre Alechinsky, 24 ans, réalise seize vignettes pour la revue du mouvement CoBrA . Sur l'une d'elles, un cobra facétieux a la langue bien tendue : la forme porte le joyeux venin létal des mots et vice-versa. Elle doit agir vite et circuler par le sang. Le cobra nordique n'est pas celui, mozartien, de Renoir. Né dans les lumières des Flandres et de la Seconde Guerre mondiale, il brandit le «colorisme spontané» du mouvement, sa courte vie et sa mort heureuse. La couleur devient matière, remuant comme les écailles sur la terre.

Un poème du Belge Christian Dotremont, l'écrivain de la bande, est inscrit sur le mur de la rétrospective en huit salles que consacre au mouvement le Laac (Lieu d'art et action contemporaine). Il résume ce qu'on voit ou revoit, avec ce ton d'ingénuité rhétorique caractérisant les enfonceurs de portes closes : «Jamais je ne tombe dans la gueule du loup/ Jamais je ne tombe dans la gueule du goût/ Et je ne vais dans les musées que pour enlever les muselières.»

Grimace. Les toiles, les dessins et les revues présentées appartiennent au Laac, à des musées ou à des collectionneurs généralement flamands que la passion du commissair