Un couple baveux de fantômes aux mains démesurées, au bord d'une embrassade impossible : près de soixante-dix ans après la création de Tristan fou à New York, le rideau de scène conçu pour ce ballet par Salvador Dali a resurgi à Montréal. Servant de toile de fond, Place des arts, à une création pleine de vitalité de Daniele Finzi Pasca, la Veritá.
Tristan fou est un sommet de la collaboration que l'artiste, triomphant en ce moment à Beaubourg, entama dans les années 30 à Paris avec Léonide Massine, le chorégraphe des Ballets russes. La première fut jouée le 15 décembre 1944, avec André Eglevsky dans le rôle titre.
Le marquis de Cuevas, mécène d'origine chilienne, qui avait épousé une héritière Rockefeller, avait proposé de produire cette œuvre passablement délirante. C'est l'époque où Dali foisonne de projets dans les arts du spectacle, qui le conduiront à réaliser un dessin animé commandé par Walt Disney et, pour Hitchcock, le décor du rêve de Spellbound (la Maison du docteur Edwardes).
Auteur de livrets, décors et costumes, Dali avait déjà créé, avec Massine, Bacchanale en 1939 au Metropolitan Opera de New York, évoquant la folie de Louis II de Bavière et sa relation avec Wagner. Ils avaient aussi réalisé Sacrifice, un rêve de Philippe II d'Espagne, confrontant la musique de Bach à la peinture du Greco, et Labyrinthe, mettant en scène, au son de la Symphonie n°7 de Schubert, des pigeons empaillés