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Libération
Critique

Cap sur l’outre-monde

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Art . Au musée d’Orsay, plongée dans le romantisme noir, du XVIIIe au XXe siècle, à travers la peinture, la sculpture, le cinéma…
«Les-Trois-Sorcières» (1783) de Johann Heinrich Füssli. (Photo Bridgeman Art Library)
publié le 10 mars 2013 à 21h36
(mis à jour le 11 mars 2013 à 10h57)

Entrez, entrez dans la grande petite boutique des horreurs du musée d'Orsay, celles de l'âme fondue au noir et des enchanteurs pourrissants. Vous y verrez des femmes victimes, des fées fatales, des Méduse et des Médée, des Ophélie et des Loreley, des ruines au clair de lune et des châteaux en flammes, des vampires, des diables, des chevaliers à triste figure, des cannibales, des torturés, des pendus, des sorcières, des chauves-souris, des chimères et monstres fantasques, et bien sûr la Mort par-dessus tout, en tenue de bal ou de cavalière, crâne d'os ou nuage faustien, reine des pommes et roi des Aulnes. Vous verrez ces vers d'Apollinaire : «L'air tremble de femmes et de prières/ Le cimetière est un beau jardin/Plein de saules gris et de romarins/ Il vous vient souvent des amis qu'on enterre.»

Tonneau. Le titre de l'exposition, l'Ange du bizarre, est celui d'une nouvelle de Poe. Histoire d'un poivrot qui, pendant la sieste, une froide après-midi de novembre, est visité par un monstre à l'accent germanique dont la tête est une tabatière et le corps un tonneau. Le monstre lui fait vivre en quelques minutes le cauchemar d'une vie détraquée pour le pire, parce qu'il n'a pas voulu croire en «la possibilité du bizarre». De Poe, Julien Gracq écrit : «Ce qu'il saisit d'un battement de narines quand l'Europe n'en a pas encore pris conscience, ce que le vent trie pour lui et lui apporte, c'est le parfum même, l'odeur