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Libération
Enquête

«Vice», ou les vertus du décalé

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Créé au Canada et aujourd’hui implanté dans le monde entier, le magazine a inventé un ton, entre sérieux, branchitude et ironie. Avant d’imposer un nouveau modèle économique qui s’avère un succès colossal. Décryptage.
(DR)
publié le 26 mars 2013 à 11h41

«Que la reine créa l'époque ou que l'époque créa la reine, peu importe. Elle correspondit parfaitement à son temps», écrivait en 1962 l'Américaine Florence Becker Lennon au sujet de la souveraine Victoria. Ne leur en déplaise, les patrons de presse ne sont pas des monarques. Mais, comme eux, ils symbolisent le climax d'une époque. A Hugh Hefner et ses pyjamas la fabrication de la virilité des années 50. A Rupert Murdoch, le capitalisme cinglant des eighties, à Jefferson Hack et son magazine Dazed & Confused la cool culture des années 90.

Que représente donc Shane Smith, le Canadien à la tête de Vice, ex-feuille de chou débraillée qui ambitionne de devenir le CNN de la génération Y ? L'homme de 40 ans est rondouillard, porte une barbe mal taillée, vestes militaires, tee-shirts informes et bagouzes aux doigts. Dans chaque image de lui, il semble hilare, pose bras dessus, bras dessous avec des fêtards new-yorkais ou des passants éméchés. Pas très sérieux tout ça. Et pourtant, son entreprise est l'un des succès les plus florissants de notre époque. Les données font taire les moqueurs.

Ainsi, en 2011, le chiffre d'affaires du groupe a atteint 115 millions de dollars et la somme est censée avoir dépassé les 200 millions de dollars pour l'année 2012, selon le Financial Times. Une information confirmée à demi-mot par Alex Detrick, en charge de la communication du groupe. Implanté dans trente-quatre pays, Vice a huit cents employés. Moye