Il y a cinq ans, une envie de quitter la France et l'offre d'un poste de lectrice m'ont conduite à Budapest, une ville dont je ne connaissais rien. Sur place, à l'ombre des monuments impériaux tagués et des rares statues soviétiques, bercée par les remous lents du Danube, je me suis plongée dans l'Histoire de la Hongrie. La lecture des quelques livres publiés en français sur le sujet a été entrecoupée des récits familiaux de mes amis, ainsi que de virées au marché aux puces où les objets racontent de petites tragédies personnelles eux aussi. Beaucoup de mes découvertes ont nourri l'écriture du roman Sombre Dimanche*, paru il y a quelques mois. Il en est d'autres que j'ai conservées, incapable de savoir quoi en faire mais pourtant obnubilées par elles. L'histoire de Maria Wittner en fait partie.
I En 1956, l’arme à la main
Je l'ai découverte au fil des images d'archives de 1956. La rue est dépavée, noire et blanche, hérissée d'armes. Et Maria, la petite secrétaire, malgré son jeune âge, malgré ses longs cheveux bruns, tient un fusil tout contre la veste d'homme trop grande qu'elle a revêtue. Je ne sais pas si elle est belle, où si c'est le contraste de son visage de femme au milieu des gueules d'hommes – elle est la seule à ne pas être mal rasée – qui attire autant l'attention. Lorsque la Hongrie se soulève contre l'occupation russe, Maria a 19 ans. Parmi les revendications listées par les mouvements étudiants se trouve la liberté absolue de la presse, et notamment celle de la radio. Très vite,