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Libération
Critique

Le temps vomi des colonies

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Avignon. Le Sud-Africain Brett Bailey expose des tableaux vivants. Glaçant.
publié le 16 juillet 2013 à 19h26

C'est un à un que les spectateurs pénètrent dans l'église des Célestins. Et avec un fort sentiment de solitude qu'ils en sortent, dix, vingt ou trente minutes plus tard. A l'entrée comme à la sortie, une petite pièce fait fonction de sas entre la rue et les voûtes de l'église. Avant de quitter les lieux, on peut prendre une feuille et un feutre pour écrire ses impressions. Exhibit B s'est ouvert vendredi, et des dizaines de feuilles volantes plus ou moins noircies s'entassent déjà, comme autant de témoignages du choc subi.

Pour concevoir son installation, l'artiste sud-africain Brett Bailey a suivi le modèle des expositions coloniales et repris le principe des tableaux vivants. La visite s'ouvre par une reconstitution de l'exhibition de la Vénus hottentote, réinterprétée par une comédienne. On trouve également la chambre d'un officier français à Brazzaville au début du XXe siècle, garnie de trophées, avec, assise nue de dos sur le lit, une «odalisque», dont on voit le visage dans un miroir. Dans toute l'église, une douzaine de tableaux vivants sont ainsi présentés comme autant d'œuvres, avec, à chaque fois, un écriteau explicatif. Ce musée des horreurs coloniales est parfaitement glaçant.

Emergeant de colonnes, quatre «têtes coupées» - le chœur -, interprètent des chants de lamentation traditionnels namibiens. «L'écorché», dans son costume blanc, est bien vivant, comme l'esclave en fuite sous son masque de fer et l'homme portant un plein panier de mains cou